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I CONFESS (1953)
Alfred Hitchcock

Par Alexandre Fontaine Rousseau

«Hitchcock faisait partie d'une génération qui avait connu le muet, qui venait du muet. Chez Hitchcock, l'histoire vient vraiment du film, elle se développe en même temps que le film comme le motif se développe chez le peintre.» - Jean-Luc Godard

Hitchcock affirmait que l'on peut juger la qualité d'un film muet au nombre d'intertitres dont il a besoin pour raconter son histoire. Par association, on peut juger un film parlant d'Hitchcock à la quantité de dialogue essentielle au bon fonctionnement de son intrigue. Dès ses premiers plans, I Confess prend la voie de l'image pour former sa narration. Fidèle à son habitude, le maître nous situe très précisément dans l'espace en fixant sa caméra sur le Château Frontenac. I Confess se déroule à Québec, ville qu'Hitchcock exploite ici pour son cachet ancien et sa forte tradition cléricale. À l'aide d'une suite de panneaux de signalisation, il nous guide dans les rues étroites de la vieille capitale jusqu'à la scène d'un meurtre. Ainsi commence l'une de ses plus marquantes tragédies de même que l'un des joyaux techniques de sa filmographie fort chargée.

Lorsque le coupable avoue son crime à un prêtre, celui-ci doit accepter de garder le silence s'il tient à respecter son serment. Mais le poids de cette confession devient plus lourd lorsque la police se met à soupçonner le père Logan (Montgomery Clift) d'être l'auteur du crime. Entre sa fidélité à une morale et ses intérêts personnels, celui-ci est déchiré ; l'honneur de la femme qu'il aime (Anne Baxter) est en jeu dans toute cette histoire.

De l'avis d'Hitchcock, I Confess souffre notamment d'une carence d'humour. C'est un problème qu'il soulève aussi lorsqu'il discute de The Wrong Man. Les deux films ont en commun leurs fortes tendances moralisatrices, phénomène qu'Hitchcock refuse cette fois de tempérer d'une touche d'ironie comme il a l'habitude de le faire. Bien que cela en fasse une anomalie au sein de son oeuvre, le ton sérieux de I Confess fonctionne à son avantage. Moins lourd que The Wrong Man, c'est par ailleurs une oeuvre dramatique mieux aiguisée dont les enjeux moraux sont particulièrement fascinants. Hitchcock, qui aspirait à faire un cinéma universel, critiquera par la suite la prémisse du film. Selon lui, le dilemme moral de son héros était trop spécifique à une culture religieuse particulière pour rallier tous les publics.

Une fois la situation initiale comprise et acceptée, I Confess s'avère l'une des meilleures oeuvres mineures de la carrière d'Alfred Hitchcock. Techniquement, il s'agit d'un film irréprochable à l'esthétique somptueuse. Travaillant énormément en location, Hitchcock arrive à créer une atmosphère hautement réaliste tout en constamment sur un style d'éclairages ouvertement expressionniste. Du côté purement plastique, I Confess est l'un des films les plus beaux du réalisateur britannique. C'est aussi l'un de ceux dont la mécanique narrative est la plus implacable. Comme dans Notorious, la trappe qui se referme sur les protagonistes semble élaborée de manière particulièrement machiavélique.

I Confess baigne dans la tension. Seulement, c'est une tension de situation alors que la tension typique chez Hitchcock est créée avec le montage. Ici, le montage est au service de l'étranglement progressif du personnage de Montgomery Clift. Les images y trouvent une qualité picturale particulièrement précise. Les foules et les individus sont exploités de manière particulièrement expressive : leur immobilité laisse une impression surréaliste. Il y a ici une contradiction. Bien que I Confess soit à plusieurs niveaux un film plus réaliste que ce que le maître du suspense a l'habitude de créer, il baigne aussi dans un climat allégorique intense quitte à abandonner le réalisme pur. Parmi les fables moralistes du réalisateur, il s'agit de l'une des plus tragiques au sens classique du terme. Elle se nourrit à la fois de tumulte intérieur, formidablement mis en image, et de mouvements à grande échelle.

En ce sens, le film n'arrive pas à l'équilibre auquel aspirait constamment Hitchcock. C'est une oeuvre extrême selon les critères du réalisateur. Mais bien qu'elle se détache pour différentes raisons des ambitions usuelles de celui-ci, son efficacité n'est pas mise en danger outre mesure. En se penchant sur les concepts de fidélité et de principes plus sérieusement qu'à l'habitude, Hitchcock se révélait par le fait même sous un jour plus personnel au public sans faire preuve de sa pudeur caractéristique. Peut-être est-ce ce côté plus direct qui a en fin de compte fait peur à cet auteur généralement timide? Quoi qu'il en soit, I Confess est un film fascinant qui mise sur une situation plutôt que sur une intrigue et s'en sort malgré tout de manière admirable. Différent, mais réussi.




Version française : La Loi du silence
Scénario : George Tabori, William Archibald, Paul Anthelme (pièce)
Distribution : Montgomery Clift, Anne Baxter, Karl Malden, Brian Aherne
Durée : 95 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 10 Mai 2006