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THE GOLDEN COMPASS (2007)
Chris Weitz

Par Louis Filiatrault

Il y a des gens qui ne supportent pas les films du Seigneur des anneaux, qui n'aiment ni l'histoire qu'ils leur racontent, ni la manière dont ils le font. Ces mêmes spectateurs un peu rustres éprouvent la plus grande difficulté à gober ce fantastique haut de gamme déguisant tant bien que mal une alarmante vacuïté. Ceci dit, ce n'est certainement pas à ce public de non-convertis que New Line Cinema s'adressait en ouvrant ses premières bandes-annonces pour le très moyen Golden Compass, occupant le titre officiel de blockbuster familial de l'hiver à défaut d'un Potter ou d'un Narnia, sur les risibles paroles: « en 2001, New Line Cinema ouvrait les portes de la Terre du Milieu... ». Pourtant, les dites publicités avaient de quoi mettre franchement l'eau à la bouche: accompagnée d'images oniriques et somptueuses, une distribution tout étoiles semblait prête à s'entasser sur l'écran pour notre plus grand plaisir. Vous dites réunir, dans un même bloc de deux heures, l'éclat surnaturel de Nicole Kidman, le charme viril de Daniel Craig, la moustache de Sam Elliott et la folle sexualité d'Eva Green? Embarquez-moi n'importe quand. Et à ce titre, The Golden Compass livre exactement la marchandise promise. Et rien de plus.

Fille d'un professeur émérite d'une université prestigieuse, Lyra Belacqua est une enfant « espiègle » et « aventureuse » qui un jour a clandestinement vent de l'existence d'une mystérieuse particule détectée dans les régions arctiques. Abordée par la statuesque Marisa Coulter, elle sera tentée par la découverte et les belles promesses de cette dernière et s'embarquera dans un voyage vers le pôle Nord... avant de percer le voile des intentions louches de son hôte. Kidnappée par l'organisation des « Gobblers », la jeune fille est en fait sur la voie de rejoindre ses camarades dans un camp de travail forcé. Mais avec l'aide d'amis rencontrés un peu partout (des pirates, une sorcière, un cow-boy...), d'un ours guerrier ainsi que de la boussole magique reçue avant son départ, Lyra déjouera les stratagèmes et cherchera à libérer les innocents comme elle. D'une manière générale, tout sera mis en branle pour que la prémisse intéressante d'une opposition entre la science et l'obscurantisme soit pulvérisée, aplatie sous un capharnaüm de revirements plutôt difficiles à suivre.

Au moins aussi bavard que l'Episode I de Star Wars, dont la réputation n'est pourtant plus à faire, le principal problème de Golden Compass est de ne pas couler comme un ensemble, mais bien comme une suite mécanique de scènes. Souvent précédée d'une luxueuse composition d'une beauté incontestable, chaque tranche dépend d'une généreuse portion de dialogue d'exposition -- matériel peu cinématographique s'il en est -- n'arrivant plus souvent qu'autrement qu'à mieux obscurcir les concepts avancés. Le rythme est instable, tour à tour soporifique et tapageur, mais le film trouve tout de même le moyen de partager l'erreur fondamentale de bien des adaptations de romans populaires, à savoir de galoper à travers ses péripéties sans parvenir à leur donner un sens, un poids dans la narration. En ce sens, toute une séquence impliquant l'affirmation personnelle du guide à fourrure de Lyra est imbriquée de façon parfaitement incompréhensible et n'éclaire aucun thème ou symbolique, culminant sur un duel au dénouement viscéral mais tout à fait déplacé. Les personnages entrent en scène sans prévenir, disparaissent pour ne plus jamais revenir (c'est le cas de celui de Daniel Craig) ou ressurgissent au besoin, le temps d'un combat. L'émotion, pour peu qu'il s'en décèle, s'en trouve nécessairement handicapée, et l'intérêt nullifié.

En fait, The Golden Compass, malgré toutes ses belles parures et ses charmants accents britanniques, entre peut-être dans cette déplorable catégorie de blockbusters hollywoodiens encourageant une fermeture quasi-complète de l'imagination. Son esthétique grandiloquente et léchée sent la formule à plein nez, celle de Lord of the Rings et de sa réduction du fantastique à l'événement concret, tangible, sans grande place au mystère. S'il commence dans un registre plus ou moins modeste, le péché ultime de Golden Compass est de trop « vouloir » : le récit, partagé entre l'épopée initiatique d'une enfant et l'illustration d'un conflit d'institutions au riche potentiel polémique, renferme en soi des échos de Dickens, mais les obligations du produit d'aventures, que le film a peine à remplir, freinent son élan et neutralisent toute originalité. Il en résulte un effort assez confus, plus ou moins divertissant, embelli par une poignée d'inspirations à la réalisation mais aussitôt refroidi par le jeu monocorde et générique de la nouvelle venue Dakota Blue Richards, portant néanmoins une charge considérable sur ses épaules maigrichonnes. Un film fort décevant, difficile à recommander.




Version française : À la croisée des mondes : La boussole d'or
Scénario : Chris Weitz, Philip Pullman (roman)
Distribution : Nicole Kidman, Daniel Craig, Dakota Blue Richards, Eva Green
Durée : 113 minutes
Origine : États-Unis, Royaume-Uni

Publiée le : 31 Janvier 2008