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GERRY (2002)
Gus Van Sant

Par Jean-François Vandeuren

Gus Van Sant est un de ces cinéastes dont la carrière peut se traduire aisément par les termes «essais et erreurs». On lui doit en ce sens autant le remake fort discutable du classique Psycho d’Alfred Hitchcock, qu’il reprit pratiquement au plan prêt, que le formidable Elephant. Gerry vient se positionner dans la même veine expérimentale que son film suivant qui lui aura valu la prestigieuse Palme d’or à Cannes en 2003 devant Dogville et Les Invasions barbares. En faisant ressortir autant les avantages que les bévues d’une telle entreprise, le réalisateur propose ici une composition scénaristique faisant abstraction de plusieurs pièges et convenances de la même manière qu’il s’enlise à bien des égards, surtout dans la forme, à tenter d’être à ce point unique. Armez vous donc de patience et même, pourquoi pas, d’une bonne dose de caféine.

La prémisse du film en soi demeure fort simple. Deux hommes, tous deux nommés Gerry, effectuent en voiture la traversée du désert californien. Arrivant à un point où ils sont convaincus de se trouver tout prêts de leur objectif, les deux comparses décident de poursuivre leur route à la marche. Croyant plus tard s’être égarés en cours de route, ils décident de rebrousser chemin, mais ils ne feront que se perdre davantage en ces lieux se confondant en paysages. Le reste du récit esquisse leurs diverses tentatives cherchant à fuir ces lieux arides, les amenant à bout de souffle et de nerfs.

Gerry ne forme pas, disons le franchement, le spectacle le plus démentiel et explosif de l’histoire du cinéma, et même qu’il s’agit plutôt de l’antithèse du plus divertissant des films. L’élaboration de ce récit suit pour les circonstances un parcours s’acheminant avec une lenteur accablante, appuyée par une série de scènes et de plans s’étirant sans qu’on puisse trop en voir venir la fin. Le but visé est évidemment de servir le plus adéquatement possible un effet de réalisme d’un bout à l’autre de l’effort. Idée de départ également assez bien exprimée par les deux seuls interprètes du film, Matt Damon et Casey Affleck qui ont également fait office de co-scénaristes à Gus Van Sant, jouant avec tout le naturel nécessaire à la cause et viennent livrer le peu de dialogues plus souvent qu’autrement improvisés dans le même ton, pour un scénario arborant les attraits d’une mise en situation élaborée autour des thématiques d’une simple lutte pour la survie. Il s'agit d'une initiative qui parvient à faire oublier l’absence d’information que l’on nous donne sur les deux personnages constituant le point central du film tout en s'en tenant à une distance ahurissante. Le film de Gus Van Sant effectue de cette manière un détachement plutôt inusité face à son récit de la même manière qu'il s’affère à le rendre prenant, sans pour autant se vautrer dans une série d’éléments dramatiques qui auraient facilement pu être insérés de part et d’autre. Idée qui connait par contre ses hauts et ses bas vu l’efficacité de l’impact se traçant en dents de scie.

Le problème majeur se trouve au niveau de la mise en scène. Bien que Gus Van Sant possède un talent évident lui permettant de cadrer minutieusement chacun de ses plans en plus d’avoir pu y ajouter une photographie se jouant superbement des différents éclairages, quelques-unes des scènes finissent par tomber à plat, effet s’expliquant par ce désir sans cesse recyclé cherchant à poursuivre une prise le plus longtemps possible. Tel que mentionné plus haut, le découpage technique y va de très peu de plans, ne voulant vraisemblablement pas tirer profit des effets du montage. Une telle modestie dans le contexte demeure judicieuse et réussit à conserver certaines qualités visuelles, mais il y a de l’abus. L’idée générale d’exploiter en images la façon dont peut s’éterniser cette situation, aussi inusitée soit-elle, en devient parfois trop lourde pour les biens du film.

Malgré toutes ces bonnes intentions, Gerry se veut un film qui pourrait ennuyer même le plus alerte des cinéphiles. Un film flirtant parfois trop avec une prétention artistique qui en devient redondante avec le temps. À défaut donc d’être marquant, il en ressort à tout le moins une expérience hors du commun. Gus Van Sant nous livre finalement une approche plutôt incomplète qu’il aura fort heureusement laissé murir pour Elephant. Conseillé à ceux qui s’y aventureront en connaissance de cause.




Version française : Gerry
Scénario : Gus Van Sant, Casey Affleck, Matt Damon
Distribution : Matt Damon, Casey Affleck
Durée : 103 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 21 Février 2005