EVIL DEAD II (1987)
Sam Raimi

Par Alexandre Fontaine Rousseau

S'il est une figure mythique qui domine à titre de roi incontesté l'univers du cinéma culte, c'est sans aucun doute Ash, l'hilarante victime héroïque de la trilogie des Evil Dead de Sam Raimi. Série ayant propulsé Raimi et l'acteur Bruce Campbell au panthéon des grandes vedettes d'une étrange subdivision du monde cinématographique trop souvent utilisée pour excuser l'incompétence et l'insignifiance, l'aventure commencée en 1980 atteint son apogée avec ce deuxième épisode, fusion parfaite entre l'horreur du premier volet et la comédie bouffonne de sa suite Army of Darkness. Classique incontesté que plusieurs se vantent d'avoir vu plus d'une centaine de fois, Evil Dead II reste le fleuron du cinéma d'horreur des années 80, exception faite d'un certain chef-d'oeuvre de Kubrick qu'il est inutile de nommer. Que ceux qui ne l'ont pas encore vu accourent à l'instant en direction du club vidéo le plus près, question de savourer avec quelques amis ce truculent phénomène populaire. Ils en ont fait une comédie musicale, bon sang!

À la fois remake et suite de The Evil Dead, Evil Dead II nous ramène dans le même chalet isolé et peu invitant pour une autre joute entre Ash et les puissances maléfiques d'un autre monde venues du néant pour réclamer le nôtre. Vaguement inspiré de l'univers de l'auteur fantastique H.P. Lovecraft, duquel il emprunte le fameux Necronomicon, le film de Raimi ne partage toutefois pas le ton lugubre et pessimiste de l'oeuvre de l'Américain. En fait, c'est plutôt à un délirant carnaval sanglant que nous convie l'homme qui réaliserait plus tard Spider-Man et sa suite. Evil Dead II est un cirque possédé où l'homme-tronçonneuse devra confronter sa propre main sectionnée et vaincre la tête tentatrice de son ancienne compagne avant d'affronter le chevreuil de l'enfer et sa propre réflexion dans un miroir à la fidélité douteuse. En d'autres mots, Evil Dead II n'est pas un film à prendre au sérieux. C'est une comédie burlesque dont l'humour extravagant fait couler des litres et des litres de sang, une farce absurde que tient sur ses épaules un Bruce Campbell incroyablement énergique qui deviendra grâce au film une référence en matière d'humour physique grimaçant et hyperactif.

Le furieux Ash de Bruce Campbell n'est toutefois pas l'unique raison d'écouter le film. Derrière le carnage se cache la réalisation inventive et dynamique d'un Sam Raimi qui s'amuse visiblement comme un fou à revoir son premier film sous un jour humoristique ainsi que le travail passionné et appliqué d'une équipe d'effets spéciaux comme il ne s'en fait plus depuis l'avènement des effets numériques. Sans oublier cette coexistence parfaite entre la comédie et l'horreur, un genre que Raimi caricature amoureusement tout en employant ses tours les plus vicieux aux dépens du spectateur. Evil Dead II est une machine précise qui enchaine les répliques mémorables à un rythme infernal, une suite ininterrompue de one-liners célèbres que la culture populaire s'est appropriée depuis et que seul Army of Darkness peut se vanter de dépasser dans le domaine.

Pourtant, Evil Dead II demeure malgré le charme de son amusante suite le zénith de la trilogie, l'épisode qui en incarne le plus joyeusement toutes les qualités, de sa violence imaginative et exagérée à cette remarquable capacité d'en faire beaucoup avec peu de moyens, en l'occurrence un maigre budget de trois millions de dollars qui peut pourtant sembler énorme lorsque comparé à celui du premier. Mais en embrassant plus ouvertement les tendances parodiques qu'exhibait son premier film tout en évitant le cabotinage à la limite excessif du troisième volet des aventures d'Ash, Sam Raimi a fait d'Evil Dead II la quintessence du film culte, un monument d'excès et de folie à ranger aux côtés du délirant Dead Alive de Peter Jackson. Ici, il n'est pas question d'apprécier la subtilité de l'ensemble et le raffinement d'un scénario aux multiples niveaux mais bien de s'asseoir bien confortablement et d'apprécier l'un des meilleurs divertissements produit par l'industrie indépendante américaine.