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ENFERMÉS DEHORS (2006)
Albert Dupontel

Par Jean-François Vandeuren

La retenue et le bon goût sont des termes qui ne font visiblement pas parti du vocabulaire d’Albert Dupontel. Les productions de ce dernier sont cacophoniques et accumulent les effets de style tapageurs à un rythme effréné. Dupontel est conscient de ses actes, mais il continue d’assommer le spectateur de ses idées saugrenues, sadiques et un tantinet illogiques sans le moindre remord. La désinvolture et le je-m’en-foutisme parfaitement assumés de l’auteur sont pourtant exécutés dans les règles de l’art et alimentent une ligne de pensée bien précise à laquelle le réalisateur français reste toujours fidèle. Enfermés dehors possède ainsi tous les attributs du scénario classique auquel l’imaginaire tordu de Dupontel nous a habitués, même que ce troisième long-métrage ne présente aucun signe d’assagissement, au bonheur des uns et au grand malheur des autres. Le cinéaste poursuit donc sa route tout en demeurant beaucoup plus enclin à l’accélération qu’au freinage chaque fois qu’il semble sur le point de perdre la maîtrise de son nouveau bolide.

Comme son titre l’indique, le terrain de jeu d’Albert Dupontel dans Enfermés dehors est la rue. Ce dernier met en scène cette fois-ci la révolte de diverses figures marginales face à un système de valeurs sur le déclin. Le cinéaste y campe une sorte de Charlot sur l’acide qui se joindra à la bonne cause le jour où il récupérera par hasard l’uniforme d’un policier venant tout juste de mettre fin à ses jours. Sa première mission consistera à venir en aide à une ancienne star de l’industrie porno dont la fille est retenue prisonnière des griffes de ses beaux-parents. Le clochard se méprendra toutefois sur l’identité des deux quinquagénaires en question et kidnappera plutôt un homme d’affaire sans scrupule. Le sans-abri intégrera alors les rouages d'un étrange conte urbain sous les traits du preux chevalier devant tenir tête à la monarchie afin de sauver sa princesse et de rétablir la justice. Dans cet univers filmique où les possibilités semblent infinis, notre héros trouvera fort heureusement le moyen de survivre aux pires des civismes alors que de son côté, notre roi en costume trois pièces avide de pouvoir et d’argent finira par goûter à sa propre médecine avant, évidemment, de devenir le meilleur ami du peuple.

Au-delà de tout ce que nous pourrions lui reprocher, nous devons bien admettre que le cinéaste français a la main mise sur cette approche sulfureuse qui semble être autant l’aboutissement d’une démarche artistique particulièrement minutieuse que d’un gribouillage exécuté en quatrième vitesse. S’enivrant de la même mise en scène irrévérencieuse que son opus de 1996, le créateur de Bernie propose une facture visuelle absurde, burlesque et hyperactive qui a tout pour nous tenir en haleine du début à la fin et nous affliger d’un horrible mal de tête. En soi, cette énergie et ces nombreux abus de style découlent de l’univers de la bande dessinée. Enfermés dehors accumule d'ailleurs les séquences ne répondant plus à aucune logique, lesquelles s’accrochent comme elles peuvent à une structure narrative instable édifiée de manière exubérante et quelque peu naïve par Dupontel. L'artiste présente également ses respects à des maîtres tels Charles Chaplin et Buster Keaton dont il remanie l’humour slapstick pour l'utiliser à tout autre escient. Ce procédé n’est donc pas employé à des fins comiques dans ce cas-ci, mais plutôt pour alimenter la dynamique déjantée dont l’effort se prévaut déjà à la base.

C’est donc sans grande surprise que la frénésie d’Enfermés dehors, tout comme celle ayant caractérisé les précédents opus d’Albert Dupontel, ne plaira qu’à un certain bassin de cinéphiles. Ce curieux croisement entre l’univers déglingué de Bernie et les airs féeriques du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain carburant au rythme d’enfer de Run Lola Run ravira néanmoins jusqu’à un certain point les fans de Terry Gilliam et des Monty Pythons. Le cinéaste britannique et son acolyte Terry Jones font d’ailleurs une brève apparition assez amusante dans le présent effort. Dupontel ne se réinvente pas avec ce troisième long-métrage et continue de s’empiffrer dans un répertoire déjà saturé d’effets visuels à la limite du supportable. Malgré tout, le réalisateur continue d’élargir son style d’écriture déboussolant en refusant de se conformer aux lois sociales, morales et même de la physique pour arriver à ses fins. On ne parle évidemment pas de chef-d’œuvre dans le cas d’Enfermés dehors, mais nos sens seront néanmoins mis à rude épreuve une fois au service de ce dessin animé réalisé sans papier ni crayons.




Version française : -
Scénario : Albert Dupontel
Distribution : Albert Dupontel, Claude Perron, Nicolas Marié, Hélène Vincent
Durée : 90 minutes
Origine : France

Publiée le : 23 Février 2007