A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

DON'T COME KNOCKING (2005)
Wim Wenders

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Une vedette de western déchue (Sam Shepard) se sauve du plateau de son plus récent film. Alcoolique notoire, celui-ci se réfugie chez sa mère dans l'espoir d'y trouver un certain réconfort. Il est au contraire accueilli par la nouvelle déstabilisante de l'existence d'un fils approchant la trentaine qu'il aurait abandonné dans un bled perdu de l'Amérique mythologique que tente de construire Wim Wenders avec Don't Come Knocking. Déboussolé, le vieux cow-boy d'opérette part à la recherche de sa descendance. Ailleurs, une jeune femme au regard vaporeux (Sarah Polley) dont la mère vient de mourir arpente sans but apparent l'écran en berçant une urne.

Depuis quelques années, Wim Wenders échoue systématiquement tant auprès du public que de la critique. Des fois, l'accueil mitigé auquel ont droit ses films peut sembler à la limite injuste. Le sous-estimé Million Dollar Hotel de 2000 fût anéanti par tous pour des égarements qui finalement servaient tant son propos que son atmosphère diffuse et planante. Don't Come Knocking, pour sa part, mérite le courroux de quiconque a dépensé son argent pour y assister. Après une mise en situation intrigante et plutôt prometteuse, le film s'effondre lamentablement et s'éparpille dans toutes les directions possibles sans finalement trouver d'avenue intéressante par laquelle canaliser notre intérêt. Oeuvre décousue sur l'errance, Don't Come Knocking se cherche avant de nous abandonner dans le vide. À l'instar de son personnage principal, Wim Wenders a connu de meilleurs jours.

Le poète responsable des Ailes du désir et de Paris, Texas s'enlise avec son plus récent opus dans une marre étouffante de clichés mal exploités et d'images maniérées au possible. À la limite, on comprendra que le réalisateur allemand s'aventure une fois de plus dans une contrée imaginaire. Mais son Amérique mythique montée à partir des écrits de Jack Kerouac et des films de John Ford semble aujourd'hui dépassée et insignifiante. À une époque où le western post-moderne déconstruit l'Amérique par les racines, l'abyssal Don't Come Knocking fait figure d'incohérence intellectuelle fâcheuse. Aux côtés d'un Dead Man, de The Three Burials of Melchiades Estrada ou d'Unforgiven, cette fable boursouflée nous paraît particulièrement inutile.

De toute évidence, l'Allemand mine ici un territoire similaire à celui qu'explorait Jim Jarmusch avec son plus récent film, Broken Flowers. S'enfonçant dans les eaux troubles du road movie à saveur de remise en question existentielle, Wenders ne fait preuve ni de l'humour ni du bon goût de son compère du minimalisme des années 80. Au contraire de Jarmusch, l'Allemand ne semble pas conscient du fait qu'il nous arrive avec une histoire maintes fois racontée. Son traitement est à ce point pataud et les personnages du scénario de Sam Shepard à ce point mal esquissés que l'on a peine à croire que le film n'est pas une gigantesque blague montée aux dépens du spectateur.

Les dialogues s'étouffent à même leur ridicule consommé. Les acteurs sombrent dans l'hystérie afin de camoufler la minceur de leurs personnages respectifs. Le problème atteint son paroxysme, dès qu'entre en scène le couple de paumés qu'interprètent Fairuza Balk et Gabriel Mann, alors que la belle Sarah Polley se débrouille tant bien que mal à rendre cohérent un personnage égaré, qui ne l'est aucunement. Tim Roth, de son bord, fait intrusion de temps en temps pour installer une tension qui ne décolle jamais. En aspirant à signer une oeuvre décalée et contemplative, Wim Wenders a créé une parodie paralysée de son rythme lent caractéristique.

Ne reste plus, alors, qu'un triste spectacle à l'esthétique bigarrée que berce une trame sonore de premier ordre signée T-Bone Burnett. Incapable d'insuffler un propos à cet étrange spectacle, ce maître de l'image se contente d'abandonner à son sort une coquille vide où la caméra tourne sans cesse en rond pour oublier qu'elle n'a rien à filmer. Triste spectacle que de ne voir qu'un réalisateur de ce calibre égaré dans ce genre de projet vaniteux et inconséquent. Car on peut sincèrement qualifier Don't Come Knocking de mauvais film sans faire preuve de mauvaise foi...




Version française : -
Scénario : Sam Shepard, Wim Wenders
Distribution : Sam Shepard, Jessica Lange, Tim Roth, Gabriel Mann
Durée : 122 minutes
Origine : Allemagne, France, États-Unis

Publiée le : 26 Mai 2006