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THE DEVIL'S REJECTS (2005)
Rob Zombie

Par Jean-François Vandeuren

Après avoir été conviés à un festin des plus indigestes à l’intérieur de la maison aux mille cadavres, nous ne donnions évidemment pas très cher de la peau de ce deuxième long-métrage de Rob Zombie, lequel sert d’autant plus de suite à l’abominable navet de 2003. Pourtant, dès la première séquence de ce Devil’s Rejects, l’artiste américain nous demande de lui pardonner ses fautes et de lui accorder une seconde chance. Fini les pitreries de débutant à la recherche d’un style, et surtout d’un contexte, nous assure-t-il. Le cinéaste derrière la caméra n’est définitivement plus le même que celui qui s’était attaqué si témérairement à nos sens deux ans plus tôt et la métamorphose mérite d’être soulignée. Après avoir donné au cinéma d’horreur une énième production témoignant de la situation particulièrement désolante de ce dernier en sol américain, Zombie se présente à nous cette fois-ci comme un réalisateur beaucoup plus mature et en pleine possession de ses moyens. Ayant déjà commis son lot de méfaits dans un genre qui n’en peut plus d’accumuler les échecs, Rob Zombie semble désormais posséder tous les attributs nécessaires pour en devenir l’un des artisans les plus importants de sa génération.

Si House of 1000 Corpses s’avéra un échec total sur le plan technique, The Devil’s Rejects forme en revanche un effort des plus substantiels à ce niveau. Bien conscient des contraintes temporelles de son récit et des standards avec lesquels il doit composer afin de rencontrer les exigences du public d’aujourd’hui, Zombie signe une facture visuelle à la fois stylisée et fort maniérée rendant parfaitement justice à un scénario aussi sale que détraqué, tout en faisant part d’une beauté esthétique souvent saisissante. Le cinéaste américain intègre ainsi avec tact le versant plus nerveux de sa mise en scène à une composition visuelle autrement plus minutieuse se trouvant à des années lumières de la réalisation fade et sans ambition de son premier opus. Les élans de ce dernier sont d’autant plus appuyés par l’impeccable direction photo de Phil Parmet, laquelle évoque d’une manière particulièrement sentie l’esprit des années 70 tout en nous accablant de la chaleur suffocante des régions les plus désertiques du Texas, et le montage on ne peut plus rythmé de Glen Garland au coeur duquel se glissent quelques judicieux effets de style propres au cinéma de cette époque.

Le scénario que nous propose Zombie cette fois-ci se veut aussi beaucoup plus épuré et suit un fil conducteur bien défini, un élément dont le précédent effort avait un besoin criant. Le cinéaste joue également de finesse de par la façon dont il brouille les cartes par rapport aux enjeux de son film, surtout en ce qui a trait aux notions d’antagoniste et de protagoniste. Zombie nous demande ainsi de changer notre fusil d’épaule et de prendre le parti de personnages qu’il nous avait pourtant poussés à haïr dans House of 1000 Corpses. Sans lésiner sur la cruauté et la barbarie des actes de ses sujets, le réalisateur réussit malgré tout à nous rendre sympathique à leur cause en leur conférant les attributs d’une famille « normale » en dehors de leurs activités d’une nature autrement plus terrifiante. Un processus d’identification pour le moins inusité qui s’effectue sans que Zombie ait jamais à nous forcer la main et que ce dernier renforce en créant une vive opposition entre le côté sadique et celui plus vulnérable de ses principaux personnages tout en dépeignant les forces de l’ordre sous un jour beaucoup plus froid et meurtri, rendant du coup inaffectives des actions pourtant tout ce qu’il y a de plus sensées.

Il faut dire que Zombie a particulièrement bien choisi l’œuvre sur laquelle baser ses élans afin d’assurer la réussite de son entreprise. Étonnamment, celle-ci a beaucoup plus à voir avec la science-fiction que l’horreur alors que la trame narrative du présent effort se réapproprie d’une manière on ne peut plus inspirée les grandes lignes de l’intemporel The Empire Strikes Back d’Irvin Kershner. Ainsi, nos rebelles devront abandonner leur repère lorsqu’ils seront brusquement réveillés par les autorités, bien déterminés à les sortir de leur trou morts ou vivants. S’en suit un périple au cours duquel les trois tueurs en série tenteront de se réfugier chez un ami de longue date sans trop savoir s’ils peuvent lui faire confiance. De son côté, le shérif de cette petite localité vêtu d’un imposant chapeau fera tout pour retrouver leur trace, quitte à engager des chasseurs de primes pour faire le sale boulot. Cette superbe relecture de l’épisode le plus louangé de la célèbre saga de George Lucas n’est évidemment pas tout à fait exacte, mais Zombie en retire néanmoins plusieurs détails particulièrement pertinents qu’il étale avec flair tout au long de son histoire sans jamais perdre de vue la nature première de celle-ci. Cette initiative joue évidemment un rôle significatif dans la façon dont le cinéaste altère notre position face à ses principaux personnages dont les motivations n'ont en soi rien à voir avec les objectifs d’une certaine organisation tentant de libérer l’univers des griffes d’un empire malveillant.

Alors que le cinéma d’horreur américain s’est mis au diapason des années 70 afin de recréer de manière plus ou moins inspirée certains des films les plus populaires de cette décennie sans nécessairement réussir à en capturer l’essence, Rob Zombie, pour sa part, nous y renvoie avec une étonnante facilité en amalgamant divers éléments propres à cette période en une toile narrative moderne et cohérente. Le réalisateur rend du coup captivant le parcours de personnages que nous n’étions pas forcément enchantés de revoir après une première incursion aussi navrante au grand écran. L’imposante mise en scène de ce dernier lui permit néanmoins de réaliser certains exploits hors du commun telle une séquence finale des plus mémorables vibrant au son de l’épique Freebird de Lynyrd Skynyrd sans que celle-ci ne paraisse trop longue ou répétitive. La retenue et le grand professionnalisme dont fait part Zombie se fait aussi sentir au niveau du jeu des acteurs qui nous font vite oublier leurs performances risibles de l’opus précédent pour nous offrir un jeu d’ensemble d’une énergie et d’un cynisme aussi exubérant que contagieux.




Version française : -
Scénario : Rob Zombie
Distribution : Sid Haig, Bill Moseley, Sheri Moon, William Forsythe
Durée : 109 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 8 Juin 2007