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DÉSOBÉIR (2005)
Patricio Henriquez

Par Jean-François Vandeuren

Sixième épisode de la série Extremis, le film de Patricio Henriquez débute sur une citation d’Albert Einstein nous mettant rapidement en contexte : « ne faites jamais rien contre votre conscience, même si l’état vous le demande. » Désobéir nous introduit ensuite au cas de trois soldats, un américain d’origine nicaraguayenne, un israélien, et un ancien colonel chilien. Trois individus qui auront osé remettre en question la prise de décision de leur système militaire respectif en refusant consciemment d’exécuter des ordres qu’ils jugèrent immoraux, pour ne pas dire carrément criminels, et ce, aux dépens de leur propre carrière et de leur liberté. À l’image de certains films de guerre des dernières années comme Jarhead de Sam Mendes et Tigerland de Joel Schumacher, Désobéir s’intéresse lui aussi, et d’une manière très adroite, au cas des soldats envoyés au front beaucoup plus qu’aux conflits en soi.

D’une part, une des qualités les plus notables du film d’Henriquez est qu’il accorde une place prédominante aux trois individus en question, formant d’ailleurs la majeure partie de sa narration autour des révélations de ces derniers. L’effort témoigne ainsi de la forme de courage la plus louable pouvant émaner du domaine militaire, offrant du même coup une perspective nouvelle sur les soldats en soi, car il faut bien admettre que malgré tout ce que l’on peut croire et entendre, il est souvent impossible de savoir ce qui se passe dans la tête de ceux-ci lorsqu’ils doivent exécuter des ordres sans nécessairement en connaître les motifs. Désobéir remet superbement en question d’ailleurs certaines notions de responsabilités face aux actes de ces militaires qui s’exposent, d’une certaine manière, à une absence totale de choix si l’on considère que les conséquences pour un refus comme pour un passage à l’action dans une situation immorale aura pour eux des conséquences juridiques similaires, mais pas issues du même tribunal. Un propos qui est dirigé avant tout vers les États-Unis, par rapport auxquels Henriquez forme également un solide parallèle entre la position du pays dans l’affaire du soldat Camilo Mejía, qui refusa de retourner combattre en Irak, car il jugeait que cette guerre était criminelle et injustifiable, et les conclusions tirées lors d’un certain procès qui eut lieu à Nuremberg il y a de cela une soixantaine d’années, au cours duquel les Américains agissaient étrangement à titre de procureur.

Le cinéaste d’origine chilienne parvient à garder le cap sur son discours en allant généralement droit au but, ce qui explique la durée relativement courte de son film. Chaque témoignage et scènes d’archives sont ainsi utilisés dans un but bien précis afin d'appuyer les propos de ce dernier, principalement en ce qui a trait aux notions de jugement d’un individu dans le feu de l’action, lequel peut être foncièrement désorienté par la pression exercée sur sa personne par l’état-major, mais aussi par le caractère imprévisible de « l’ennemi ». En soi, Désobéir offre une facture visuelle qui demeure assez simple, mais le documentaire se démarque malgré tout d’une belle façon grâce à un montage extrêmement pertinent reliant les trois cas présentés. Henriquez privilégie évidemment celui de l’armée américaine, car il s’agit du plus récent, mais le réalisateur tisse tout de même certains liens fort intéressants entre chacune des histoires qui relèvent toutes d’un système militaire ayant eu une résonance significative sur l’histoire vue la controverse qui entoura les décisions prises par celui-ci au moment du service respectif des trois personnes approchées, soit la guerre en Irak, le coup d’état de 1973 au Chili et le conflit israélo-palestinien.

Le film de Patricio Henriquez évite ainsi brillamment certaines généralités trop souvent mises en évidence par ce genre de documentaires, en particulier ceux ayant découlé massivement du conflit irakien depuis 2003. Désobéir porte un regard humain, franc et audacieux sur le fonctionnement hiérarchique des institutions militaires et politiques et des actions parfois douteuses qu’elles demandent d’exécuter à ses esclaves sous contrat en temps de guerre sans que ceux-ci ne soient autorisés à penser avant d’agir. L’Effort d’Henriquez met fortement en évidence de cette façon le courage et l’humanisme des trois soldats qu’il nous présente, qui, sans nécessairement renier leur armée, ont tout de même réussi à ne pas franchir les limites de leur propre morale au nom de celle-ci. Bien évidemment, on parle ici de cas plutôt rares dans un milieu extrêmement rigide. D’où la raison d’être de Désobéir qui, en les mettant en évidence, encouragera peut-être certains de leurs comparses à faire comme eux et ne plus servir aveuglément leur pays.




Version française : -
Scénario : Patricio Henriquez
Distribution : Efrain Jana, Camilo Mejia, Igal Vega
Durée : 82 minutes
Origine : Québec

Publiée le : 1er Décembre 2005