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C.R.A.Z.Y. (2005)
Jean-Marc Vallée

Par Louis-Jérôme Cloutier

C.R.A.Z.Y. est un portrait du Québec et de sa société, c’est l’histoire d’une famille typique de la classe ouvrière, un film qui «nous ressemble». Zachary Beaulieu nait le 25 décembre 1960. Très jeune, il se démarque de ses autres frères qu’il déteste, mais demeure l’un des préférés de son père qu’il admire. Cependant, ce dernier le surprend un jour avec les habits de sa mère, marquant un changement dans leur relation. Devenu adolescent, Zach doit lutter contre lui-même pour conserver l’amour de son père en refoulant son homosexualité.

Et ce récit houleux dévoile une très bonne production québécoise, l’une des meilleurs de l’année sans aucun doute. Ce qui est surtout merveilleux à son propos, c’est qu’elle transpire à la perfection chacune des époques qu’elle traverse dans notre société québécoise parfaitement représentée, de la Révolution tranquille jusqu’à nos jours. Il s’agit en fait d’une chronique familiale, nous suivons le parcours de la famille Beaulieu. Et avec soulagement, le scénario de C.R.A.Z.Y. évite de passer à travers tous les clichés que l’on aurait pu craindre voir apparaitre dans les rapports entre les membres de la famille. Le seul bémol à ce niveau réside peut-être dans la composition de la famille, plus précisément dans les frères de Zach, soit, un sportif, un bum et un intello. Quoiqu’avec surprise, bien que l’essence des personnages soit légèrement caricaturale, on arrive à passer par dessus ce léger problème. Peut-être parce que cela permet de renforcer du même coup la différence du héros qui ne semble pas être à la bonne place. Mais aussi grâce aux excellentes interprétations des comédiens, et surtout celle de Marc-André Grondin qui s’avère être une révélation.

La relation de Zach avec son père, incarné avec brio par le toujours excellent Michel Côté, est exemplaire au sens scénaristique du terme. Aucune facilité, aucune mièvrerie, il s’agit d’une relation père fils dans toute sa complexité. D’ailleurs, ce sont surtout ces deux personnages qui sont les plus importants dans C.R.A.Z.Y. Et encore une fois, on peut saluer le fait que le personnage de Michel Côté soit tout sauf un stéréotype ambulant. Car face aux problèmes de Zach, on aurait pu aller lui opposer un père violent et archiconservateur. Cependant, dans le ton non exclusivement dramatique du film et dans sa propension à raconter une histoire qui pourrait être la notre, on parle plutôt d’un père comme un autre, un vrai en fin de compte. Parlons d’ailleurs du ton du film, loin de la lourdeur mélodramatique, C.R.A.Z.Y. utilise souvent l’humour pour alléger efficacement son récit. Car ce récit, il se rapproche davantage de la réalité que de la fiction. Le scénario provient d’ailleurs de certains souvenirs d’enfance de François Boulay qui a participé à l’écriture. Malgré cela, il est agrémenté de certaines touches fantaisistes qui passent admirablement bien, surtout grâce au très bon travail de Jean-Marc Vallée, à des centaines de lieux de La liste noire.

L’un des autres très bons aspects de C.R.A.Z.Y. concerne sans aucun doute la trame sonore. Une grande part du budget a été utilisé afin d’acquérir les droits de diverses chansons, et cela en a valu totalement la peine. Il suffit d’entendre Shine On You Crazy Diamond de Pink Floyd pour s’en convaincre. La pièce débute dans le récit en même temps que l’on découvre Zach qui est maintenant devenu un adolescent et s’agence parfaitement aux images. David Bowie, The Rolling Stones et autres groupes rocks américains forment l’univers musical du héros alors que celui de son père est agrémenté de la musique d’Aznavour et Patsy Cline pour ne nommer que ceux-là. Ajoutons que la reconstitution de l’époque est également admirable, les efforts ayant été investis pour refléter le plus fidèlement possible les moindres petits détails de l’époque, que ce soit par les habits vestimentaires ou par les autres modes que seuls les gens ayant vécu cette période peuvent vraiment identifier, ne reste pas moins que tous se verront littéralement transportés dans les années 70.

Il n’y finalement qu’une seule chose que l’on puisse véritablement reprocher au film, un détour scénaristique qui amène Zach a Jérusalem. Trop extravagant, trop en rupture par rapport au reste du récit pour que le tout fonctionne même si la séquence possède une certaine légitimité par rapport à l’histoire. C.R.A.Z.Y. est un film québécois qui se déroule au Québec, et pour une rare fois, il aurait dû rester jusqu’à la toute fin dans son petit monde. Aussi, la voix off se fait parfois un peu envahissante, permettant d’escamoter un peu ce qui se déroule à l’écran. Mais tout cela ce sont que de légers accros dans un film autrement entièrement réussi. C.R.A.Z.Y. est un film à ne pas manquer.




Version française : -
Scénario : Jean-Marc Vallée, François Boulay
Distribution : Michel Côté, Marc-André Grondin, Danielle Proulx
Durée : 129 minutes
Origine : Québec

Publiée le : 5 Juin 2005