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CITIZEN KANE (1941)
Orson Welles

Par Jean-François Vandeuren

Après la mort du richissime Charles Foster Kane, une nouvelle est filmée afin de rappeler à l’Amérique l’ampleur de ses accomplissements, mais aussi de ses échecs. Il y a par contre un détail sur lequel personne n’est capable de mettre la moindre parcelle de sens, soit les dernières paroles du défunt sur son lit de mort : « rosebud ». Un journaliste partira alors à la rencontre des personnes qui ont été proches de Kane au cours de sa vie pour tenter d’élucider ce mystère.

Un premier long métrage qui aura attiré bien des ennuis au jeune Orson Welles vu ses multiples ressemblances avec la vie du milliardaire et magnat de la presse William Randolph Hearst, bien que Welles s’en soit toujours défendu, expliquant que le personnage mythique de Charles Foster Kane qu’il incarne à l’écran était plutôt un amalgame de plusieurs personnalités du monde des affaires de l’époque. Hearst tenta néanmoins tout ce qui fut en son pouvoir pour nuire au film, voire pour le détruire, et surtout, à la carrière du cinéaste. Mais le film vit fort heureusement le jour même si, comme c’est souvent le cas, son génie incontestable ne fut reconnu à sa juste valeur que beaucoup plus tard.

La particularité première de ce Citizen Kane en ce qui a trait au scénario signé Herman J. Mankiewicz et Orson Welles se retrouve dans la manipulation du récit assez innovatrice et surtout extrêmement pertinente que les deux auteurs élaborèrent autour de la structure narrative du film. Celle-ci introduit superbement la presse comme véhicule des grandes lignes de la vie de Kane, nous résumant par exemple dès la deuxième scène de l’effort la vie de ce dernier en à peine quelques minutes avant de réellement entrer dans les détails par la suite, ce que la presse ne fait justement pas toujours, et s’attarder au citoyen derrière l’homme d’affaire et l’histoire cachée derrière plusieurs scandales et projets d’envergure. Chaque personnage interviewé donne alors sa version des faits. Cela permet au film de supporter un récit à narrateurs multiples tout en entremêlant parfaitement les notions de sujet et de protagonistes, chose qui n’avait pas été poussée à ce point auparavant. Welles effectue de ce fait une démonstration percutante de la corruption qu’engendre bien souvent l’acquisition de pouvoir, ruinant dans ce cas-ci les intentions les plus respectables d’un jeune idéaliste fortuné, dont les idéaux changèrent progressivement dès le moment où ce dernier prit conscience de la force d’impact qu’il pouvait avoir sur le jugement des gens. Un sujet particulièrement bien amené et qui relate superbement d’ailleurs les liens entre la presse et la scène artistique lors des scènes où Kane tentera de faire de sa deuxième épouse une chanteuse d’opéra de renommée internationale, non pas grâce a son talent, qui est de toute façon assez limité, mais plutôt par la couverture médiatique que ses quotidiens peuvent lui apporter.

Sur le plan technique aussi Welles prouva qu’il avait bien fait ses devoirs avant de s’installer derrière la caméra, rendant un hommage fulgurant aux grandes écoles de cinéma du passé, privilégiant souvent une mise en scène expressionniste afin de forger une approche visuelle utilisant les fameuses plongées et contre-plongées tout en développant une utilisation de l’espace absolument phénoménale où le réalisateur se joua parfaitement des effets de perspective de ses décors en y créant même certaines illusions d’optique symboliques. Tout ça dans le but, évidemment, de mettre en évidence la faiblesse ou la force de certains personnages et d’accentuer les ambiances noires et les divers moments de tension dramatique. Il ne faut pas non plus omettre de mentionner le travail incroyable du directeur de la photographie, Gregg Toland, particulièrement au niveau des jeux de lumière. Ce dernier développa également pour Citizen Kane la célèbre technique du « deep focus », laquelle permet d’aller chercher une profondeur d’image stupéfiante où l’arrière plan apparaît alors à l’écran aussi clairement que ce qui est mis en évidence à l’avant plan.

Orson Welles se révèle tout à fait brillant dans le rôle titre, comme dans toutes les facettes de sa production d’ailleurs. Citizen Kane demeure et restera une œuvre de marque du cinéma que le cinéaste américain élabora d’une façon tout aussi inventive et récapitulative de ce qui avait été tenté dans le passé au niveau de la mise en scène que du scénario. Comme la plupart des œuvres capitales de l’histoire du cinéma, il est encore possible de tisser des liens assez forts entre celle-ci et l’état actuel de certaines sphères de notre monde, et c’est particulièrement vrai dans ce cas-ci en ce qui a trait à la remise en question de l’intégrité et du contrôle des médias que Welles effectue sur un ton très ironique dans un film respirant la grandeur dans ses moindres détails.




Version française : Citizen Kane
Scénario : Herman J. Mankiewicz, Orson Welles
Distribution : Orson Welles, Joseph Cotten, Dorothy Comingore, Agnes Moorehead
Durée : 119 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 12 Octobre 2005