CECIL B. DEMENTED (2000)
          John Waters
          
          Par Alexandre Fontaine Rousseau
          
          Figure emblématique du cinéma indépendant américain, 
          John Waters a tout au long de sa carrière célébré 
          les excentriques ainsi que le cinéma trash sous toutes ses formes. 
          Cette fascination s’est exprimée tout au long d’une 
          carrière inégale et étrange qui s’est toujours 
          voulue en opposition avec la mentalité holywoodienne. Son Cecil 
          B. Demented, malgré un budget de 10 millions de dollars, 
          s’incrit dans cette tradition de pure marginalité qui l’a 
          transformé en réalisateur culte et raconte l’histoire 
          d’un réalisateur dément (Stephen Dorff), évidemment 
          dénommé Cecil B. Demented, qui décide de kidnapper 
          une vedette de cinéma (Melanie Griffith) pour la forcer à 
          jouer dans un délirant film underground de son cru.
          
          Enfant terrible de Che Guevara et de John Cassavetes, Demented, à 
          la fois gourou éclairé et réalisateur révolutionnaire 
          aux yeux de la secte qui lui sert d’équipe technique, est 
          animé par une seule et unique vision : créer un virulent 
          pamphlet anti-hollywoodien tourné sur les lieux publics par une 
          équipe de terroristes cinématographiques armés 
          jusqu’aux dents et prêts à mourir pour le cinéma. 
          Le film de Waters, lui, est une comédie satirique mordante qui 
          ridiculise à la fois le monde du cinéma commercial et 
          du cinéma indépendant sans aucune subtilité. Ainsi, 
          la guérilla de Demented envahit une salle de projection où 
          l’on passe le director’s cut de Patch Adams 
          devant une foule larmoyante et sabote le tournage d’une suite 
          minable de Forrest Gump intitulée Gump Again 
          en criant des slogans tels que « Hey, hey! MPAA! How many films 
          did you censor today? ».
          
          Si l’idée de base de Waters est véritablement géniale, 
          elle mérite un bien meilleur film que celui-ci. En effet, Cecil 
          B. Demented est une expérience à la fois purement 
          jouissive et terriblement frustrante dont l’exécution n’est 
          malheureusement pas à la hauteur du concept. Certes, le film 
          possède une énergie sauvage qui est tout à fait 
          appropriée à son propos et utilise cette fougue pour livrer 
          un combat sans merci à la rectitude politique et à Hollywood. 
          Cecil B. Demented regorge de scènes mémorables 
          et de bonnes idées, mais il lui manque un fil conducteur solide 
          qui aurait pu mettre un peu d’ordre dans ce chaos furieux et revendicateur. 
          Le scénario manque terriblement de rigueur dans sa structure, 
          chose que certains défendront en disant que c’est exactement 
          dans l’esprit du film. Toutefois, cette lacune atteint durement 
          le rythme du film, d’autant plus que Waters finit par se perdre 
          dans de longues scènes d’actions mal filmées.
          
          Stephen Dorff incarne avec un plaisir évident ainsi qu’une 
          énergie indéniable le personnage principal. Son interprétation 
          est exagérée mais tout à fait à l’image 
          de ce film, excessif, bordélique, défonçant tout 
          sur son passage sans aucun remord. Avec sa réalisation presque 
          amateure, son scénario sous-développé et ses dialogues 
          se résumant en une suite ininterrompue de slogans incendiaires 
          et de discours vertueux, Cecil B. Demented n’est pas 
          à proprement parler un « bon » film, mais c’est 
          une expérience unique et réjouissante qui a tous les éléments 
          caractéristiques d’un bon film culte.
         
          
        
        Version française : 
Cecil B. Demented
        Scénario : 
John Waters
        Distribution : 
Stephen Dorff, Melanie Griffith, Alicia Witt, Adrian 
        Grenier
        Durée : 
87 minutes
        Origine : 
États-Unis
        
        Publiée le : 
11 Mars 2004