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CASINO (1995)
Martin Scorsese

Par Pierre-Louis Prégent

S'il y a bien un cinéaste Nord-Américain (encore vivant) qui sache nous livrer encore une panoplie de films exceptionnels, c'est bien Martin Scorsese. Bien évidemment, on peut penser à ses classiques plus âgés, tels que New York New York, Taxi Driver, Mean Streets, etc. Mais à une échelle plus contemporaine, le ratio d'excellence des productions signées Scorsese s'avère très impressionnant. Pensons notamment à Gangs of New York, Bringing Out The Dead et bien sûr, Casino.

Souvent comparé à Goodfellas, que plusieurs considèrent comme son prédécesseur, Casino dépeint avec impunité le milieu obscur de la pègre italienne. Cependant, même si quelques éléments notoires affichent une ressemblance assez prononcée, le scénario de Goodfellas suit le chemin d'un môme qui devient un truand, alors que celui de Casino est davantage concentré sur les magouilles de riches propriétaires mafieux. Si Goodfellas avait un scénario hyper classique (et excellent, bien entendu), Casino offre plutôt un mélange de divers éléments ainsi qu'un regard beaucoup plus vaste et détaillé sur la mafia et le jeu. Les nombreuses histoires parallèles sont habilement manipulées, terminant ensemble leurs chemins et se rejoignant toutes brillamment dans l'une des finales les plus dures et brutales qu'il m'ait été donné de voir dans un film de gangsters.

Nous sommes en 1978, alors qu'une décennie haute en couleurs se termine pour céder place à la prochaine, qui symbolisera ici la déchéance. Sam Rothstein (le grandiose Robert De Niro) est propriétaire d'un Casino à Las Vegas. Assis dans son bureau, un cigare de première qualité fumant à ses lèvres, il admire les énormes coffres de son entreprise où le magot ne cesse de s'empiler. Homme riche, noble malgré son gagne-pain, on découvre bien vite qu'il a des connaissances très proches faisant partie de la mafia. Nicky Santoro (Joe Pesci, qui reprend exactement le même rôle qui lui avait été attribué dans Goodfellas), son meilleur ami, un gangster impulsif qui, par ses nombreuses magouilles, provoquera de la friction avec de nombreux mafieux et viendra involontairement entraîner Rothstein dans un tourbillon de règlements de comptes, de drogue et de trahisons qui en résultera. Sans oublier une call girl dépensière, droguée et aux nombreux vices cachés, Ginger (Sharon Stone, tout bonnement ahurissante) dont il tombera naïvement amoureux, qui viendra envenimer le tout.

La première séquence (après le générique) du film est à couper le souffle, alors que Scorsese fait visiter de fond en comble le Casino de Rothstein dans un plan-séquence génial où l'on se faufile sous les tables de poker où les arnaques de joueurs rusés sont dévoilées pour ensuite voler jusqu’au plafond, où des employés armés de jumelles s'assurent de pincer les tricheurs, pour finalement se diriger vers le coffre-fort, où l'argent s'empile à un rythme dément, alors que Rothstein nous explique en voix off à quel point le monde du jeu repose sur l’escroquerie. Martin Scorsese s'est dépassé, carrément. La symbolique filmique de cette séquence est ici langagière car elle vient synthétiser en quelques minutes seulement le style authentiquement dénonciateur de ce grand réalisateur. Par la suite, on a droit à l'habituelle réalisation magistrale de Scorsese, avec des plans épiques qui seraient tous dignes d'être vendus en posters. Que dire de ce plan où l'on voit la voiture de Nicky arriver dans le désert à travers les verres fumés de De Niro... du génie à l'état brut! L’audace de Scorsese de montrer la pourriture qui se cache derrière un univers aussi cossu est d’autant plus admirable de par la classe et la finesse indiscutable avec lesquelles il accomplit cette tâche. Cet amalgame complexe de récits tous plus passionnants (et obscurs) les uns que les autres est cinématographiquement raconté avec une cohérence et une maîtrise hors du commun. Sans oublier le montage qui est tout simplement admirable, tant les pièces de ce casse-tête s'agencent à merveille... c'en est bouleversant. Scorsese nous offre ici des images marquantes et éloquentes, encadrées de sa réalisation absolument percutante.

Côté interprétation, on a droit à une brochette d'acteurs de talent. De Niro offre ici un personnage, et non pas un jeu. Sans aucune faille au niveau du relief et des nombreuses dimensions, son personnage regorge de subtilités, de nuances et de réalisme... c'est à couper le souffle. Joe Pesci, qui incarne un gangster violent et impulsif est aussi excellent, mais c'est Sharon Stone qui se démarque vraiment. Son personnage comporte d'innombrables facettes, qu'elle a toutes su rendre à la perfection. Chapeau.

L’un des plus grands honneurs devrait toutefois être accordé à Nicholas Pileggi, qui a rédigé un scénario exceptionnel. Avec la multitude de personnages impliqués, les diverses suites parallèles d'événements et le dialogue parfaitement adapté et très souvent mémorable, une narration solide guidant le spectateur à travers les séquences et les histoires, le projet s'annonçait de grande ampleur et aurait très bien pu être alambiqué et confus... tel n'est pas le cas, et tant mieux, car un scénario aussi riche constitue une denrée rare. La transition entre les deux décennies est également bien tracée, montrant avec brio le changement de mœurs radical entre ces deux époques adjacentes. Bref, il n'y a qu'à dire du scénario qu’il constitue la luxuriante et solide charpente de cet ensemble brillant qui n’aurait jamais vu le jour sans son existence.

Somme toute, Scorsese nous livre ici un véritable bijou cinématographique dont la solidité est d’une totale évidence à tous les niveaux. Un film absolument passionnant dont la qualité est aisément comparable à celle de la légendaire trilogie The Godfather de Coppola.




Version française : Casino
Scénario : Nicholas Pileggi
Distribution : Robert De Niro, Sharon Stone, Joe Pesci, James Woods
Durée : 178 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 25 Novembre 2004