A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

THE CASE OF THE SCORPION'S TAIL (1971)
Sergio Martino

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Le terme « giallo », qui signifie littéralement « jaune » en italien, nous rapporte directement aux couvertures d'une série de romans policiers populaire des années 30 aux années 60; ce n'est qu'à partir de 1963 que le genre se fera cinématographique, grâce entres autres à La Fille qui en savait trop puis à Six femmes pour l'assassin de Mario Bava. Néanmoins, c'est au cours des années 70 que le giallo frappera le zénith de son rayonnement commercial. Des réalisateurs tels qu'Argento, Fulci et Umberto Lenzi jetteront alors leur dévolu sur cet hybride entre l'horreur et le drame policier, aussi codifié que le western spaghetti, pour en faire l'uns des piliers de l'industrie italienne chancelante. Ses meurtriers tout de noir vêtus pointeront ainsi leur lame brillante vers d'innocentes victimes tout au long de la décennie, soit jusqu'à ce que la mode de ces polars mêlant le sadisme à l'érotisme s'efface pour faire place à la science-fiction post-apocalyptique. Sergio Martino, frère du producteur Luciano Martino, demeure l'un des cinéastes les plus prolifiques de cette période. Son film le plus célèbre, le violent Torso, fait d'ailleurs l'objet d'un culte certain chez les amateurs de cinéma gore informés.

Dès 1971, Martino va tourner à raison d'à peu près deux par année des gialli somme toute bien ficelés et franchement divertissants. Son style, moins grand-guignolesque que celui d'Argento, demeure marqué par les excès propres à cette époque: zoom insistants, trame sonore éclectique et romance à l'eau de rose racoleuse. Mais, à la fois grâce et malgré ce franc côté kitsch, ses meilleurs films méritent l'attention de quiconque s'intéresse un tant soit peu au cinéma de genre italien de cette décennie. Martino n'est certainement pas un « auteur » cinématographique au sens noble du terme; ses films, L'étrange vice de madame Ward en tête, assument pleinement leur caractère d'exploitation et misent essentiellement sur les pulsions juvéniles que sont le sexe et la violence pour étancher les plus basses attentes de leur public. Plutôt, Martino est un apte technicien qui, à l'instar d'un Seijun Suzuki par exemple, sait tirer son épingle du jeu malgré les conventions au sein desquelles il se doit de manoeuvrer.

Trash sans gène, son oeuvre offre en vérité une caricature parfaite des ficelles du cinéma populaire. En ce sens, La queue du scorpion (La coda dello scorpione) est une exacerbation rondement menée des éléments qui feront du giallo un genre si prisé; sur fond d'exotisme de carte postale, Martino sert à son spectateur une intrigue prenante dont les revirements sont aussi amusants qu'inattendus. Les scènes de meurtres se déploient au gré d'une dynamique grandiloquente qui détonne de l'ensemble, à l'instar des chansons d'une comédie musicale. Au niveau narratif, il emprunte ici l'un de ses coups de théâtre au Psycho d'Hitchcock; sa caméra s'attache ainsi à un personnage puis, assez subitement, le fait tomber sous les coups de son assassin. La recette est simple, un peu débile, mais fonctionne malgré tout à merveille. Mais l'histoire n'est ici que prétexte, MacGuffin permettant à Martino d'étayer son goût pour les excentricités formelles.

Ainsi, il importe peu de savoir que Peter Linch (l'inévitable George Hilton) est chargé par une compagnie d'assurances d'enquêter sur les circonstances entourant la mort d'un riche entrepreneur italien ou que la femme de celui-ci est harcelée par une maîtresse qui veut toucher sa part du magot. Les protagonistes, ici, ne sont qu'assassins potentiels et victimes en devenir. Ce ne sont plus que des pantins dans un délire paranoïaque où la menace persiste. Dans un style vif qui n'est pas exempt de fautes - notamment quelques faux-raccords évidents - Sergio Martino sait mettre la réalité en image sous un jour plutôt glauque. Le plan est tout de même matière d'expression: il déforme l'architecture pour accentuer un sentiment d'oppression chez le spectateur, illustre les conflits du récit par une disposition évocatrice des éléments. Il ne s'agit en rien d'une réalisation magistrale, mais elle tient malgré tout la route.

Il faut dire que, bien qu'il se fasse moins ouvertement bizarre que dans L'étrange vice de madame Ward, Martino ne retient aucun coup. La queue du scorpion s'avère en ce sens un thriller italien tout à fait typique, tant par l'intensité de ses manifestations violentes que par son étrange obsession pour le style à l'état pur. Parmi les premiers gialli produits, La queue du scorpion n'est peut-être pas le plus unique; malgré tout, sa trahison finale instaure un climat de fatalisme évocateurs. Les hommes, aveuglés par leur cupidité et torturés par leur nature sadique, y semblent condamnés à s'entre-tuer pour l'éternité. Cette certitude est d'ailleurs la principale trame thématique d'une carrière qui allait, par la suite, être principalement tracée par le passage successif des modes cinématographiques.




Version française : La Queue du scorpion
Version originale : La Coda dello scorpione
Scénario : Ernesto Gastaldi, Eduardo Manzanos Brochero, Sauro Scavolini
Distribution : George Hilton, Anita Strindberg, Alberto de Mendoza, Ida Galli
Durée : 90 minutes
Origine : Italie, Espagne

Publiée le : 4 Avril 2007