A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

THE BROTHERS GRIMM (2005)
Terry Gilliam

Par Frédéric Rochefort-Allie

Depuis Fear & Loathing in Las Vegas en 1998, Terry Gilliam aura connu un parcours des plus mouvementés. Accumulant les projets inachevés, plus particulièrement celui du chef-d'oeuvre en devenir que se devait d'être The Man Who Killed Don Quixote qui lui attira de nombreuses dettes, son retour n'était plus chose certaine. En particulier quand la dernière image sur laquelle le cinéaste nous avait laissé nous présentait un réalisateurs en lambeaux et désillusionné. Un Don Quichotte vaincu par ses propres moulins à vent. Il n'est donc pas surprenant que son grand retour se fasse sous une approche plus commerciale.

Will (Matt Damon) et Jacob (Heat Ledger) Grimm sont des frères réputés dans l'extermination de créatures maléfiques... qu'ils créent eux-mêmes. Alors qu'ils sont forcés de servir la France, les frangins devront affronter de véritables dangers pour tenter de mettre fin à un maléfice qui reigne sur un petit village.

S'il est vrai qu'il ne s'agit certainement pas du meilleur film réalisé par Gilliam, il serait injuste de critiquer le cinéaste pour avoir osé toucher au cinéma commercial quand aucun producteur n'a sérieusement songé à financer les visions du génie et qu'il se voit donc contraint à faire des films plus légers pour nous offrir éventuellement un petit chef-d'oeuvre. Brothers Grimm n'est pourtant pas aussi mauvais qu'on le prétend. En fait, c'est un divertissement féerique dans l'esprit de Time Bandits qui vise un public plus familial et qui peut toucher les amateurs de cinéma fantastique et d'aventures, pour qui sait apprécier un cinéma un peu moins cérébral qu'on serait en droit d'attendre normalement de la part du cinéaste. Cependant, bien que l'esprit de Terry Gilliam puisse avoir marqué l'ambiance générale du film, il ne faut pas oublier que le réalisateur a mené une chaude lutte avec les frères Weinstein (les grands patrons de Miramax), qui a duré presque deux ans, pour défendre sa vision. Combat qui aura mené à la perte de plusieurs droits notamment un changement de casting, un compositeur de musique plus traditionnel, le remplacement du directeur photo de Fear & Loathing in Las Vegas pour celui d'X-Men, et bien entendu la perte de nombreuses scènes par un remontage forcé. Bref, la routine. Mais même dans cette grande perte de pouvoir, Gilliam trouve tout de même d'habiles façons de faire référence à ses films passés, voir la séquence à la Brazil de la salle de torture, ou à ses propres maitres comme le fait la finale à la Fellini.

Écrit par la scénariste de Arlington Road, Ehren Kuger, le scénario survole de nombreux contes écrits par les frères Grimm où Blanche Neige rencontre l'univers de la princesse Rapunzel, en supposant que les frères Grimm ont trouvé leur inspiration pour leurs contes durant ces évènements. Un Sleepy Hollow à la touche Time Bandits! Certains jugeront que le film aurait pu être beaucoup plus sombre et plus fidèle à l'univers des Grimm. C'est bel et bien vrai, et d'ailleurs les frangins n'ont jamais été des arnaqueurs professionnels. Mais le film étant un divertissement, il compense pour certains de ses trous scénaristiques par des réinterprétations intéressantes et des séquences visuellement impeccables. D'autant plus qu'Ehren Kruger a donné vie aux deux légendaires personnages de la littérature en créant deux personnages franchement attachants, sa plus grande réussite chez Brothers Grimm. Mais l'histoire nous a démontré que Gilliam est toujours en meilleure possession de ses moyens quand il signe lui-même ses propres scénarios. Preuve en est, Brazil, Fear & Loathing, Time Bandits sont tous trois de purs classiques. C'est bien pourquoi on y retrouve que très peu d'humour sombre à deux degrés.

Si Gilliam avait pu y laisser un peu plus sa trace, gageons que les frères Grimm auraient eu un peu plus de profondeur. Néanmoins, les comédiens de talent que sont Matt Damon et Heat Ledger y trouvent des rôles qui leur vont comme des gants et à qui ils ajoutent cette complexité qui était déficiente sur papier, particulièrement chez le dernier. Damon incarnant Will le rationnel, et Ledger en tant que Jacob se laissant berner par sa grande imagination. Jonathan Pryce y fait aussi un grand retour, tout à son honneur. Rappelant Brazil par sa simple apparition, il y incarne un vilain général français aux ambitions sadiques. Un personnage stéréotypé, soit, mais amusant. La seule grande déception reste Lena Heady, visiblement incomfortable dans l'ambiance «gilliamesque» et qui campe un personnage qui revenait de droit à Samantha Morton selon le cinéaste et Damon, mais malheureusement pas selon les Weinstein.

Qui devons-nous pointer du doigt? La scénariste à qui l'on commande un film commercial, le cinéaste en manque d'argent ou les dirigeants de la compagnie de distribution qui contrôlent presque chaque aspect de la création de l'oeuvre? La réponse est simple. Finalement, il s'agit beaucoup moins d'un film de Terry Gilliam qu'un film par lui. Mais même si le résultat est décevant pour un Gilliam, Brothers Grimm est un film qui atteint parfaitement ses objectifs, visant de toute façon un public plutôt jeune. Si un pur inconnu avait signé la réalisation de ce prétendu «navet», plusieurs pourraient y voir le divertissement bien ficellé, mais léger qui se fait présentement lapider pour ne pas répondre aux attentes des fans enragés. Film impersonnel? Surement. Inutile, tout au contraire. Dites vous qu'aller voir Brothers Grimm, c'est plus qu'un film, c'est nous permettre de sauver Gilliam.




Version française : Les Frères Grimm
Scénario : Ehren Kruger
Distribution : Matt Damon, Heath Ledger, Monica Bellucci, Alena Jakobova
Durée : 118 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 29 Août 2005