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BROKEN ARROW (1996)
John Woo

Par Pierre-Louis Prégent

Si plusieurs argumenteront sur l’évidence que le cinéma que John Woo a fait à Hong Kong est nettement supérieur tant en divertissement qu’en matière à ce qui s’est ajouté à son répertoire récemment, quelques titres de ses films faits aux États-Unis viendront poser résistance à une telle affirmation. C’est notamment le cas de Face/Off, que plusieurs considèrent comme sa meilleure œuvre produite aux États-Unis, mais également, plus subtilement, de Broken Arrow.

L’histoire est bien simple et hyper conventionnelle : Deux pilotes de l’armée, Riley Hale et Vic Deakins (Christian Slater et John Travolta) ont une mission : exécuter un essai avec un nouvel engin porteur de deux missiles nucléaires. L’un des deux officiers (Travolta), tente d’éliminer son copilote (Slater) afin de laisser tomber dans le désert les deux armes mortelles, qui seront ensuite récupérées par une équipe de terroristes prévue à cet effet. Par contre, il échoue. Hale réussit à s’éjecter. Les deux bombes sont donc jetées quelque part dans le désert, et c’est Hale qui tentera d’arrêter Deakins et sa bande de malfrats qui menacent de jeter les bombes sur les États-Unis.

Film qui, pour l’amateur de films d’action moyen, n’aura été qu’un titre de plus dans une décennie (celle des années 90) aux films d’action à recette gagnante, Broken Arrow est bel et bien un film d’action typique de son époque, mais qui, mystérieusement, offre au spectateur un manège miraculeusement divertissant. Un scénario dynamique aux clichés rondelets mais fort habilement ficelés, le tout agrémenté d’une réalisation énergique et de performances généralement très intéressantes sont ici les attributs clés de ce film et les principaux facteurs qui le distinguent de l’amoncellement gigantesque de films d’action de ces années. Et, comme de fait, tout le mérite va au réalisateur, au scénariste (qui a su complémenter les différents clichés et si merveilleusement les rehausser), ainsi qu’aux acteurs.

D’abord, sans la réalisation de John Woo, la qualité de ce film aurait été grandement compromise. Avec une caméra en constant mouvement, pivotant autour des acteurs ou du décor, un bon dosage au niveau du cadrage, exprimant à l’aide d’un montage réussi un déroulement d’action solidement orchestré, le film nous offre une promenade dans un manège qui, sans devenir étourdissant, concède l’occasion à son spectateur de souffler un peu à quelques moments où, à son plus grand plaisir, il écoute les personnages parler et se développer devant ses yeux et ses oreilles. C’est d’ailleurs la prestation de John Travolta, que Woo employa également pour Face/Off, qui crée la délectable étincelle qu’est l’interprétation et qui fait passer les moments plus dialogués (ainsi que les scènes d’action) comme de la confiserie dont on ne se lasse point.

Énigmatique, peut-être un peu caricatural par moments mais toujours adroitement contrôlés, Travolta rend à la perfection un personnage qui aurait normalement été voué à l’excès. Mais la nuance, l’intensité et le charisme qu’il dissèque d’un tel personnage (celui du « gros méchant »de film d’action classique) sont absolument admirables. L’énorme adversité entre le protagoniste (interprété correctement par Christian Slater) et son ennemi est constamment mis en valeur, et ce, de la fantastique séquence d’introduction (un magnifique combat de boxe) à l’affrontement final, où l’on fait référence au combat du début. Parmi la distribution, on retrouve également Samantha Mathis, qui interprète une « park ranger » qui accompagnera le héros dans ses multiples péripéties, qui ne s’en sort pas si mal. On retrouve également Delroy Lindo, à qui on a assigné un personnage d’importance trop minime pour se démarquer. Un peu dommage, mais Travolta aurait volé la vedette de toute façon.

Même si le scénario est assez mince et que les erreurs de raccord sont parfois d’une désolante évidence, les principes de base du film d’action sont si bien exploités que la qualité du film n’en est pas réellement affectée. Ici, on met le paquet, que ce soit d’écrasement d’avions furtifs, de fusillades dans une mine désaffectée, de bagarre sur le toit d’un train en mouvement, d’hélicoptères chassant les héros ou même de poursuites impressionnantes en Hummer, même si tout ce tralala semblera un peu habituel. Woo a refaçonné tout cela à sa manière, et la différence est clairement perceptible. Sans trop utiliser les effets qui forment sa signature (ralentis, par exemple), Woo vient rappeler ici qu’il est possible de faire un bon film d’action, même si les idées de base sont entièrement recyclées…D’ailleurs, n’est-ce pas la preuve que la réalisation et le casting sont les facteurs premiers pour réussir un film d’action? D’après moi, oui. Et même si Face/Off, en plus de bénéficier de ces deux attributs majeurs, porte sur ses épaules un scénario assez original et beaucoup plus fidèle à son (plus ou moins) lointain passé à Hong Kong, Broken Arrow accomplit bien plus, en ce sens où l’envergure du projet n’était pas comparable et que le scénario était bien plus rudimentaire. Même si Face/Off est évidemment un film de qualité supérieure, les deux films, respectivement, possèdent un pouvoir de divertir puissant qui résulte d’un grand savoir-faire technique et d’acteurs généralement judicieusement choisis. Oubliez les quelque XXX et autres déchets qui gavent les auditoires de poudre aux yeux numérique…Broken Arrow est un excellent exemple de ce qu’on devrait espérer d’un film d’action pur et dur…même si on ne parle pas ici d’un scénario comparable à celui de Citizen Kane, le film de Woo prouve que le talent fait définitivement la différence entre un anonyme navet et un film d’action grandement satisfaisant.




Version française : Broken Arrow
Scénario : Graham Yost
Distribution : John Travolta, Christian Slater, Samantha Mathis, Delroy Lindo
Durée : 108 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 25 Novembre 2004