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BRICK (2005)
Rian Johnson

Par Jean-François Vandeuren

La criminalité dans le milieu adolescent n’est pas un sujet relativement nouveau au cinéma. Cette problématique est même devenue plutôt fréquente durant les années 90 étant donné la soudaine obsession du cinéma américain pour la violence et le gangstérisme émanant des quartiers défavorisés des grands centres urbains. Cependant, l’initiative ne mena pas à des résultats toujours très concluants. Un moule qui ne fut étrangement jamais appliqué à outrance à ce genre d’intrigue est celui du film noir. C’est maintenant chose faite avec ce premier long-métrage du jeune cinéaste américain Rian Johnson, Brick. Ce dernier nous transporte dans la quête de vérité d’un étudiant qui s’improvisera détective lorsque son ex-copine lui lancera un inquiétant appel à l’aide. Lorsqu’il la retrouvera morte quelques jours plus tard, il décidera de mettre les choses sens dessus dessous dans son milieu étudiant afin de faire payer le ou les coupables. Son enquête le mènera jusqu’à une organisation criminelle menée par The Pin, un mystérieux vendeur de drogues qui gère ses activités du fond du sous-sol chez sa mère.

Bien que cette dernière phrase suggère un effort livré sur un ton parodique, Brick propose à l’opposée une esquisse tout ce qu’il y a de plus sérieuse et à laquelle s’agence une dose percutante d’humour noir. À la vue de ce premier film, Rian Johnson sera assurément un cinéaste à surveiller au cours des prochaines années. En terme de mise en scène, Brick s’avère d’une solidité réjouissante, que l’on parle de sa réalisation extrêmement précise autant dans sa beauté esthétique que dans son appartenance au film noir, ou de son scénario véhiculant une efficacité dramatique pour le moins surprenante. Mais le plus important dans ce cas-ci est que le jeune réalisateur n’a pas seulement du style, il sait aussi comment l’utiliser à bon escient afin de mettre sur pied une intrigue tout ce qu’il y a de plus dynamique et captivante. Brick prend d’ailleurs souvent les allures d’une immense montée dramatique agrémentée de points de ruptures qui, plutôt que de venir freiner le train d’enfer auquel avance l’effort, viennent vivifier notre intérêt sans nous essouffler davantage. Le film fascine également de par la façon fort adroite dont il reformule dans un contexte juvénile des séquences de film noir et policier que l’on a vues des centaines de fois dans le passé sans en perdre l’essence.

Cette idée s’applique aussi au niveau des personnages. Brick présente ainsi un ensemble où absolument tous les archétypes du genre sont présents, du chef de gang au dur à cuir, en passant par la femme fatale et la tête forte aidant notre ami détective dans son enquête. Nous aurions toutefois pu espérer voir Rian Johnson trouver le moyen d’agrémenter cette relecture d’un certain attrait pour la nouveauté, outre son croisement avec l’univers d’un film d’ados. Cette initiative créé malgré tout un effet intéressant en conférant une certaine théâtralité à l’ensemble de par la manière dont la rencontre entre les deux genres cités par le film ne se fait pas toujours harmonieusement. Il est par contre un peu dommage de constater au bout du compte que Brick ne forme qu’un collage d’éléments de marque véhiculés par le film noir depuis le début des années 40. L’occasion était pourtant rêvée pour contribuer à la progression du genre plutôt que de simplement lui rendre hommage. Mais il faut tout de même reconnaître que Johnson aura su le faire avec style grâce à une recherche évidente qui lui aura permis d’appliquer sa signature avec aplomb sur un récit qui ne lui appartient toutefois pas entièrement.

Néanmoins, Brick forme au final un film éblouissant sur bien des points. Ce qui finit par ankyloser l’effort en bout de ligne est le manque de cohésion entre les deux univers que Johnson tente de souder. On accepte l’idée devant un scénario aussi habilement écrit, mais celui-ci n’échappe pas à diverses remises en question. La jeune distribution effectue de son côté un mélange pour le moins inusité de comportements à la fois adolescents et adultes. Le tout est agrémenté de lignes de dialogues, de mises en situation et d’une sublime bande originale rappelant sans cesse les années 40. Encore là, notre position face au film demeure ambiguë. Ce concept fort sympathique apparaît en ce sens autant comme une idée de génie, qui possède d’ailleurs ses nombreux moments de gloire, qu’une bien vilaine faille qui aurait pu être évitée si le cinéaste avait tout simplement cherché à mettre son grain de sel dans les nombreux artéfacts auquel il se réfère plutôt que de les retranscrire à la lettre. Aussi bizarre que cela puisse paraître, Brick forme un thriller élaboré avec une vigueur et un savoir faire indéniable et qui a tout le mérite de nous embarquer à fond de train dans une intrigue dont on doute par contre de la crédibilité à quelques reprises.




Version française : -
Scénario : Rian Johnson
Distribution : Joseph Gordon-Levitt, Lukas Haas, Nora Zehetner, Noah Fleiss
Durée : 110 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 16 Avril 2006