A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

BOXCAR BERTHA (1972)
Martin Scorsese

Par Frédéric Rochefort-Allie

Qu'ont en commun Jack Nicholson, Robert De Niro, Francis Ford Coppola et Martin Scorsese? Tous ont été épaulés par celui que l'on nomme «le roi du série-b». Non, ce n'est pas Ed Wood, mais bien Roger Corman, l'homme à la filmographie d'un demi million de titres tous aussi minables les uns que les autres. La collision entre l'univers de ce producteur et de son jeune disciple, destiné à devenir l'un des plus grands réalisateurs du cinéma américain, n'est rien de moins qu'un choc titanesque entre deux conceptions fondamentalement opposées d'un seul et même art. Au début d'une prolifique et glorieuse carrière, Scorsese dut choisir de réaliser un film plus commercial pour se permettre quelques temps plus tard de pondre le petit classique que devint Mean Streets.

Bertha (Barbara Hershey) est une jeune vagabonde qui trainasse de trains en trains, couchant là où le vent veut bien la mener. Elle deviendra rapidement une forme de «Robin des Bois», pillant aux riches pour donner aux syndicats. Elle sera bien entendu poursuivie par le FBI.

Ce synopsis, propre aux mauvais films de série-b, fut produit comme film alimentaire. Cette décision explique largement l'ensemble de la médiocrité de l'oeuvre. Le scénario, bâclé par les scénaristes de Battle for the Planet of the Apes, est terriblement fade. Bertha prend difficilement vie et même la mort tragique du père de la protagoniste, dans l'introduction, semble une banalité. C'est la scène qui annonce le climat fortement repoussant qui habitera le visionnement du spectateur tout au long de l'oeuvre. L'ensemble du film comporte tellement de scènes tout à fait inutiles et mal écrites que les quelques moment «potables» sont inondés par un raz-de marée de gros clichés et d'expressions texanes de mauvais gout.

Pourtant, pour un début dans le cinéma commercial, la distribution paraissait tout de même solide. Barbara Hersey, en plus d'être jolie, était (et demeure) une actrice estimée. L'influence Corman et son effet dévastateur la transformera en une actrice sans présence et dont la seule utilité visible dans l'ensemble de l'oeuvre semble miser sur les scènes de nudité. C'est tout dire. Même David Carradine, qui fait une apparition cocasse sous le nom de Bill, n'a pas le charisme nécessaire pour son rôle de hors-la-loi au service des prolétaires. Encore une fois, Corman mise sur la nudité. Le seul acteur qui se détache du lot incarne un riche Juif. Barry Primus, le comédien, sera recyclé dans New York, New York quelques années plus tard.

Un règle dit qu'aucun réalisateur n'a de filmographie parfaite. Elle prouve son exactitude et peut difficilement être mise en doute quand on confronte la filmographie du maitre qu'est Martin Scorsese à cet essai raté. Le réalisateur, n'ayant pas encore appris à se doser et à maitriser pleinement l'étendue de son talent, bombarde le spectateur de gros plans et d'une trame sonore country agressante, tout en bâclant le résultat final, surement pressé par des délais de production propres aux B movies. Boxcar Bertha est un fiasco total qui rappelle à tout cinéaste en devenir qu'il ne faut pas s'asseoir sur ses lauriers. Le manque d'effort du réalisateur transparait, car ce n'est qu'à la toute fin que tout le potentiel de son génie finit par ressortir. La scène finale est étonnamment violente mais réalisée avec finesse, ce qui rend les quelques 92 minutes moins amères. Ce moment justifie l'existence entière de l'oeuvre.

Véritable fiasco avec une lueur de génie, Boxcar Bertha n'est certainement pas le film le plus accessible de Martin Scorsese et son visionnement ne serait recommandé qu'aux fans curieux, désirant se taper la totalité de l'oeuvre du cinéaste. Autrement, ce film est ridiculement mauvais et agressant et ne fait que confirmer que Roger Corman fut un grand homme dans l'histoire du cinéma, mais beaucoup plus comme découvreur de talents que comme producteur. Boxcar Bertha n'a rien d'un film signé sous la griffe de Scorsese, c'est le mouton noir de sa filmographie, le cheveux sur la soupe et la cerise manquante sur le sundae.




Version française : -
Scénario : Joyce Hooper Corrington, John William Corrington
Distribution : Barbara Hershey, David Carradine, Barry Primus, Bernie Casey
Durée : 92 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 15 Mai 2005