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BLOOD WORK (2002)
Clint Eastwood

Par Alexandre Fontaine Rousseau

On ne peut qu'être surpris par la qualité tout de même remarquable des films réalisés à ce jour par l'acteur américain Clint Eastwood. Tant en traitant de la définition de la justice dans Mystic River ou du suicide assisté avec le dernier segment de Million Dollar Baby, Eastwood n'a pas hésité au cours des dernières années à tâter le pouls d'une Amérique moralement divisée. Mais lorsqu'il ne médite pas sur son pays et sur les débats éthiques qui le déchire, qu'a de bon à nous raconter cette vieille légende hollywoodienne? Immortalisé au royaume du western par la célèbre trilogie de l'homme sans nom de Leone, figure emblématique d'un cinéma d'action qui n'est pas prêt d'oublier le long règne de l'expéditif Dirty Harry, Eastwood s'amuse dans ses temps libres à déconstruire son image de dur à cuir. C'est tout à son honneur que ses plus récentes incursions dans le domaine du drame policier, en pleine ère du Viagra et de la jeunesse éternelle, s'imposent comme une certaine extension des réflexions d'Unforgiven sur le passage du temps et l'acceptation du vieillissement.

Ainsi, Eastwood a le mérite d'oser faire évoluer son bon vieux personnage de l'infaillible policier en fonction de ses propres limitations, celles d'un septuagénaire bien ridé qui a passé l'âge de la retraite il y a de cela belle lurette. Entre une hypothétique fontaine de jouvence et la dure réalité humaine, Eastwood aura choisit la seconde option. Le voici donc incarnant Terry McCaleb, un agent émérite du FBI retraité depuis deux ans qui se remet tant bien que mal d'une greffe de coeur presque miraculeuse étant donné son type sanguin extrêmement rare. Tourmenté par les remords de vivre grâce à la mort d'une autre, McCaleb est approché lors de sa période de convalescence par la soeur de la femme dont il porte maintenant le coeur. La vérité l'assomme. Ce n'est pas des suites d'un accident que l'inspecteur a obtenu l'organe en question, mais bien grâce au meurtre de sang-froid d'une jeune mère monoparentale. Bien entendu, il acceptera de reprendre l'enquête à compte personnel malgré les avertissements de son médecin.

On pourrait à la limite dire qu'à l'exception de sa comédie Space Cowboys, qui exploitait tout de même ce thème de l'héroïsme au troisième âge sur un ton par ailleurs plus léger, Eastwood a depuis Absolute Power livré coup sur coup le même polar à la mécanique bien huilée à un public somme toute clément. Qu'il mine le même filon avec ce Blood Work qu'avec le True Crime de 1999. Mais force est d'admettre que ces films, à défaut de faire preuve d'une originalité étincelante, demeurent de bons thrillers réalisés dans les règles de l'art par un artisan au style confiant et élégant.

Qui plus est, cette fragilité qui caractérise le personnage de McCaleb demeure une entorse intéressante aux conventions viriles d'un genre dont Eastwood demeure l'un des symboles les plus connus. Cette vulnérabilité extrême, qui s'avère l'une des principales sensibilités de Blood Work et de l'oeuvre récente d'Eastwood, n'empêche pas le réalisateur américain de livrer un thriller musclé et alerte. Une intrigue en trois sections somme toute très bien composée par le scénariste de L.A. Confidential Brian Helgeland qui alterne de façon fluide entre les problèmes de santé de son héros, cette enquête aux ramifications constamment intéressantes qu'il mène ainsi qu'une histoire d'amour bien dosée.

À défaut de renouveler le genre avec Blood Work, Clint Eastwood prouve une fois de plus qu'il est capable de livrer un drame policier hautement supérieur à la moyenne hollywoodienne tout en s'affairant à faire évoluer un personnage qu'il campe d'une certaine façon depuis presque trente ans. À la différence de la majorité des vedettes du grand écran, Eastwood arrive encore aujourd'hui à capter notre intérêt justement parce qu'il n'a pas peur de faire preuve d'une certaine humanité. S'il ne s'agit pas d'un grand film, son Blood Work fonctionne du début à la fin en s'appuyant sur des performances solides, une esthétique sobre mais bien définie de même qu'une réalisation prenante malgré son rythme lent. Avec Blood Work, Eastwood confirme en même temps que ses capacités derrière la caméra la validité de son univers personnel où même les plus fiers et les plus durs sont conscients de leur mortalité.




Version française : Créance de sang
Scénario : Brian Helgeland, Michael Connelly (roman)
Distribution : Clint Eastwood, Jeff Daniels, Anjelica Huston, Wanda De Jesus
Durée : 110 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 29 Novembre 2005