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BLACK EYED DOG (2006)
Pierre Gang

Par Jean-François Vandeuren

Méditons quelques instants sur la situation du cinéma canadien anglais. En somme, deux noms nous viennent immédiatement à l’esprit : David Cronenberg et Atom Egoyan. Autrement, nous nageons dans la noirceur la plus totale. Il faut dire que depuis plusieurs années, le cinéma canadien vit dans l’ombre d’un cinéma québécois beaucoup plus créatif et rentable. Pour sa part, si l’on exclut les quelques coups méritant tout de même notre attention, le cinéma canadien anglais survit de peine et de misère grâce à la production de films d’action risibles et de certains films d’auteur monotones qui parviennent difficilement à se dénicher un public. En soi, ce deuxième long-métrage du cinéaste Pierre Gang ne risque pas de faire exception à la règle. Black Eyed Dog est une autre production sans intérêt à laquelle ont bien voulu participer les Québécois David Boutin, Anne-Marie Cadieux et James Hyndman.

Alors que son premier long-métrage, Sous-sol, eut l’honneur de représenter le Canada pour le prix du meilleur film étranger aux Oscars en 1997, le réalisateur montréalais Pierre Gang, un habitué de la télévision, ne cherche visiblement pas ici à pousser bien loin ses ambitions de cinéaste. Artistiquement parlant, Black Eyed Dog est une œuvre molle se contentant de porter à l’écran avec un minimum d’efforts le scénario déjà peu enlevant de Jeremy John Bouchard. Les écrits de ce dernier scrutent encore une fois la vie banale d’une petite localité où les habitants ne se contentent que de survivre au passage du temps. Bouchard s’intéresse particulièrement au cas d’une serveuse dans la trentaine à qui l’on prédisait autrefois un brillant avenir en chanson. Mais de nombreuses crises au sein du domicile familiale l’amenèrent à prendre un nombre important de responsabilités sur ses épaules alors qu’elle n’était encore qu’une adolescente. Pour ajouter à ce portrait peu reluisant d’une région somnolente, celle-ci doit également composer avec la rage d’un tueur en série s’étant récemment évadé de prison.

D’une part, la réalisation de Gang s’avère aussi recherchée que celle d’un téléfilm. Ce dernier signe une mise en scène académique et ennuyante à mourir à laquelle se fond une direction photo qui brille par son absence. Ajoutez à cela une musique country ringarde et vous avez une bonne idée de la vision générale que Bouchard et Gang désirent nous donner de cette petite ville isolée habitées par des individus incapables de faire face au plus petit obstacle par eux-mêmes. Un point qui mène d’ailleurs à un lot considérable d’invraisemblances que Bouchard semble avoir volontairement ignorés. Ce dernier aurait dû également rehausser une prémisse aussi simplette par un récit moindrement plus profond, voire tout simplement captivant. À l’opposée, le scénariste nous présente une galette de personnages stéréotypés au possible devant servir différents enjeux sociaux propre à ce genre de milieu qu'il n’a même pas la décence de pousser plus loin que le portrait d’ensemble qu’il ne fait encore là qu’effleurer.

Bouchard tente tout de même d’aborder certaines problématiques que ce genre de films n’a pas forcément l’habitude d’approcher. Encore là, c’est trop peu trop tard pour le scénariste qui n’a même pas le courage d’aller au bout de ses idées comme avaient su le faire David Cronenberg dans A History of Violence et, dans une toute autre mesure, Gregg Araki dans Mysterious Skin. Il faut bien admettre par contre que la manière dont Bouchard relaie son histoire de meurtre en arrière-plan fonctionne assez bien au départ. Malheureusement, l’initiative s’effondre lamentablement lors d’une finale des plus aberrantes. Notre serveuse aura alors la chance de quitter la ville qui la limite depuis tant d’années, mais sera contrainte de rester pour répondre de ses actes. Sa ville natale deviendra alors sa prison. Le problème est que non seulement Bouchard finira-t-il par faire du tueur une métaphore englobant tous les maux de la région, son éventuel mise aux arrêts excusera les méfaits les plus graves de toute la localité, démolissant ainsi consciencieusement toute les notions de moral et de justice que le film s’évertua à mettre sur pied jusque-là.

Pierre Gang signe ainsi un portrait d’une communauté étouffante d’une banalité déconcertante que personne, autant devant que derrière la caméra, ne semble avoir eu le moindre intérêt à mener à bon port. Des acteurs ordinairement brillants comme Boutin, Hyndman et Cadieux tentent tant bien que mal de se tirer d’affaire, mais ils sont rattrapés à tout coup par l’insignifiance phénoménale des dialogues de Bouchard qui n’auraient pu sonner plus faux. Il ressort au final de ce Black Eyed Dog une intrigue se voulant ambitieuse que de par la façon malhabile dont elle cherche à couvrir un maximum d’enjeux. Le problème est que le film de Pierre Gang s’en remet à tout coup à une abondance de clichés et ne parvient plus alors à faire oublier l'exaspérante paresse créatrice de l’entreprise.




Version française : Simplement Betty
Scénario : Jeremy John Bouchard
Distribution : Sonya Salomaa, Brendan Fletcher, David Boutin, James Hyndman
Durée : 92 minutes
Origine : Canada

Publiée le : 3 Octobre 2006