A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

A BITTERSWEET LIFE (2005)
Kim Ji-woon

Par Alexandre Fontaine Rousseau

S'il abordait d'un angle plutôt cynique le thème de la famille, A Tale of Two Sisters se démarquait d'abord et avant tout par la remarquable recherche esthétique dont il était le fruit. Les actrices y ressemblaient à de pauvres poupées de chiffon malmenées tandis que chaque pièce de l'inquiétante demeure qui servait de théâtre à cette relecture glauque d'une vieille fable folklorique coréenne semblait véritablement hantée grâce au travail virtuellement sans faille du directeur photo Lee Mo-Gae. D'emblée, ce film de genre extrêmement abouti élevait son réalisateur Kim Ji-Woon au rang de cinéaste à surveiller. Il avait après tout inspiré au populaire Takashi Miike la prémisse de son meilleur film, The Happiness of the Katakuris, en plus d'avoir conté l'une des meilleures histoires de fantômes des dernières années.

Avec A Bittersweet Life, Ji-Woon délaisse l'horreur pour orienter sa caméra vers le film noir. Ce faisant, il se penche sur la vengeance, thème fétiche de son éminent compatriote Park Chan-Wook dont les excellents Sympathy For Mister Vengeance et Oldboy font figure de nouvelle référence en la matière. Il emprunte au JSA de celui-ci sa vedette, Lee Byung-Hun, et s'aventure sur le terrain miné du cinéma d'action musclé et hyperstylisé. À défaut d'offrir un scénario particulièrement bien ficelé, A Bittersweet Life fait preuve d'une force brute remarquable lors de séquences d'action percutantes, montées avec un dynamisme exemplaire et filmées avec un authentique flair visuel. En fait, le film de Kim Ji-Woon est un triomphe absolu du style sur la substance ; un énorme spectacle survolté au cours duquel le cinéma n'est plus que sang, son et lumière.

L'intrigue, pour sa part, s'avère fort simple. Sun Woo, homme de confiance d'un puissant caïd, est chargé par celui-ci de surveiller sa compagne qu'il suspecte de lui être infidèle. L'ordre est simple : si ces doutes s'avèrent justifiés, Sun Woo doit disposer des jeunes amants sur-le-champ. Toutefois, l'homme habituellement sans remords est assailli par le doute lorsque vient le temps de passer à l'action. Les émotions dont il s'était détaché pour des raisons professionnelles refont surface. Au moment crucial, Sun Woo s'abandonne à une crise de conscience. Son patron ne le lui pardonnera pas. Il ordonne que son lieutenant soit exécuté. Mais celui-ci survit et, réalisant qu'il a sacrifié sept ans de sa vie à servir un homme prêt à le tuer pour si peu, se lance dans une gigantesque opération de vengeance aux répercussions forcément sanglantes.

S'il prend un certain temps avant de démarrer, A Bittersweet Life affiche une intensité certaine lorsque vient le temps de déclencher les hostilités. Sa violence crue est exploitée à des fins purement esthétiques, ce qui en irritera sans doute plusieurs. Néanmoins, le film de Kim Ji-Woon pris au premier degré demeure un spectacle d'action léché et efficace. Son histoire de rédemption et son commentaire simpliste sur l'absurdité de la vie ne fonctionnent qu'à moitié, mais évitent heureusement le sentimentalisme excessif dont souffrent bon nombre de productions coréennes. Ici, le traitement laisse libre cours aux pires excès et à un humour noir et pince-sans-rire. Les combats, d'une brutalité parfois saisissante, sont chorégraphiés avec soin. L'explosive conclusion nous donne l'impression d'assister à une reconstitution dirigée par John Woo de la finale du Tokyo Drifter de l'iconoclaste japonais Seijun Suzuki. Mais, dans l'ensemble, A Bittersweet Life semble d'abord inspiré par le cinéma de Park Chan-Wook sans nécessairement en afficher le déstabilisant sadisme intellectuel.

En fait, la réussite du film repose en bonne partie sur l'excellence du travail du directeur de la photographie, Kim Ji-Yong, qui complète avec A Bittersweet Life son premier projet à ce poste. Ses éclairages contrastés et l'inventivité de sa caméra confèrent au film de Kim Ji-Woon une bonne partie de son style et de son élégance ; ailleurs, ce quatrième long-métrage du réalisateur coréen offre un spectacle violent porté par son souffle mélancolique bien dosé et par l'attitude cool qu'il affiche du début à la fin. Ceux que le cinéma d'action américain déçoit constamment devraient définitivement y jeter un coup d'oeil. Pour sa part, Ji-Woon nous prouve avec ce solide film noir qu'il est polyvalent dans sa maîtrise du cinéma de genre à défaut de faire preuve d'une inspiration à tout casser. A Bittersweet Life est un gros divertissement tapageur rondement mené qui, sans nécessairement confirmer le statut d'auteur de son créateur, affiche aussi une certaine sensibilité.




Version française : -
Version originale : Dalkomhan insaeng
Scénario : Kim Ji-Woon
Distribution : Jeong-min Hwang, Yu-mi Jeong, Ku Jin, Hae-gon Kim
Durée : 120 minutes
Origine : Corée du Sud

Publiée le : 13 Juillet 2006