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        BATMAN : GOTHAM KNIGHT (2008)Yasuhiro Aoki
 Futoshi Higashide
 Toshiyuki Kubooka
 Hiroshi Morioka
 Jong-Sik Nam
 Shojiro Nishimi
 
 Par Mathieu Li-Goyette
 
 À l'époque où Bob Kane créa son super-héros 
          masqué à la base des vieux serials de Douglas Fairbanks 
          (entre autres rêves et phobies), le principal support de satisfaction 
          qu'offit aux premiers bat-fans se retrouvait dans les journaux du samedi 
          et les bandes-dessinées mensuelles d’une vingtaine de pages. 
          Plus tard adaptée dans deux feuilletons hollywoodiens de série-B 
          (1943 et 1949) par Hollywood, la légende de Bruce Wayne a depuis 
          fait le chemin qu’on lui connaît pour resurgir de manière 
          plus ténébreuse dans la nouvelle série signée 
          Christopher Nolan (2005 et 2008); contrairement à Superman, X-Men, 
          Spiderman et autre « men » très à la mode, 
          Bruce Wayne ne bat pas encore de l’aile sous le soleil hollywoodien… 
          À un point tel qu’on profite ici de la hausse de popularité 
          pour lancer ce bizarre regroupement d’animation signé Studio 
          4°C (responsable plus tôt cette année de l’impressionnant 
          Genius Party). Courts-métrages d'une durée avoisinant 
          10 à 15 minutes chacun, produits avec l’aide des scénaristes 
          et producteurs des derniers volets américains de la saga (la 
          touche manga n'occupant que l'aspect graphique du film collectif), Batman: 
          Gotham Knight répond à une demande singulière 
          qui n’aurait que difficilement pu voir le jour par le biais d’un 
          poste de télévision ou celui d’un écran géant 
          et c’est de fournir un retour aux sources en direction de ces 
          bonnes bandes dessinées vieillottes de 24 pages, premiers faits 
          d’armes du nouveau favori de la foule.
 
 La durée d’une bande dessinée étant évidemment 
          assez particulière à transposer dans les marges d’un 
          scénario (peut-être est-ce une raison pourquoi les seuls 
          s’y étant risquer avec succès au cinéma sont 
          ceux qui prenaient racines dans un « roman-dessiné » 
          à la Frank Miller), le court-métrage semblait bien la 
          meilleure opportunité pour étirer la sauce d’une 
          valeur de plus de 400 millions de dollars (et ce, en sol Nord-Américain 
          uniquement). En dehors des préoccupations financières, 
          Gotham Knight a le très honorable mérite de proposer 
          des épisodes intrigants, voire indispensables aux amateurs autant 
          qu’aux connaisseurs qui n’auront que rarement eu l’occasion 
          de voir en l’énigme Bruce Wayne cet homme aux diverses 
          facettes que l’on défait en pièces de puzzle plus 
          ou moins recomposables, mais individuellement intéressantes dans 
          leurs formes éclatées et leurs surfaces bien polies.
 
 Dans cette optique, c'est le premier court-métrage (« Have 
          I Got A Story For You ») qui demeurera le plus inventif, 
          le plus long, le plus admirable, et qui regroupera l’essentiel 
          de Gotham Knight en se penchant sur l’univers de rue 
          de quatre enfants admirateurs de l’homme chauve-souris. Comme 
          à la petite école, chacun a son histoire rocambolesque, 
          chacun a ses prouesses d’avoir touché le Batman (!), chacun 
          a sa manière bien attachante d'exprimer ce qu’on ne douterait 
          jamais de notre héros sur l’admiration d’autrui. 
          Quatre enfants, quatre Batmans complètement différents 
          allant du fantôme au robot avec l’animation la plus épurée 
          et singulière au sein du collectif. Rêves enfantins à 
          multiples finales, la présence de l'idole en fin de parcours 
          pour sauver le seul enfant n’ayant pas sa bat-histoire se voit 
          un joli point d’orgue à la puissance de l’icône 
          héroïque chez le jeune auditoire et peut-être, en 
          fin de compte, la quintessence du concept de super-héros.
 
 Pour le reste des cinq épisodes, seuls les deux derniers réussissent 
          le même genre d'épatement. Jusqu'à cette finale 
          enlevante, Gotham Knight tente en vain de se sauver d'une déception 
          que l'on aurait cru prévisible en vue d'un regroupement de courts-métrages, 
          auquel une histoire unificatrice tournant autour d'un même personnage 
          ne fait que trop défaut. Le handicap des plus médiocres 
          essais du genre comme les trouvailles des plus grandes œuvres de 
          rassemblements d'artistes reste toujours le fil conducteur, la pensée 
          unique qui devrait mener l'ode au super-héros en tout genre. 
          En écartant ces principes fondamentaux, Batman: Gotham Knight, 
          le temps de trois épisodes (« Crossfire », 
          « Field Test » et « In Darkness Dwells 
          », ce qui représente tout de même la moitié 
          du film) s'essouffle considérablement grâce au manque d'antagonistes 
          définis, à la corde souvent trop étirée 
          de la peur des chauve-souris ou des exercices de style douteux. Plutôt 
          des courts épisodes de la carrière de Batman que l'on 
          connait tous dans la mesure des bandes dessinées, films et autres 
          produits dérivés, ils n'apportent à l'ensemble 
          qu'un deuxième degré de cohésion amusant qu'est 
          l'américanisation du personnage.
 
 De l'épure et du trait fin typiquement japonais et coréen 
          du premier épisode, l'évolution du personnage en justicier 
          de plus en plus féroce (les courts-métrages se font ascendant 
          dans la puissance et l'expérience du super-héros) vogue 
          de style en style en étant tout d'abord manga puis manga dit 
          moderne pour tranquillement se trouver niche lors des deux ou trois 
          derniers volets dans l'encrier bien particulier du dessin américain, 
          bien morbide, bien cru et bien disproportionné dans toute sa 
          musculature. « Working Through Pain » et « 
          Deadshot » se voient alors des retours aux sources évidents 
          du héros en sol américain. Car ils s'emboîtent, 
          s'expliquent dans un récit des origines (l'apprentissage de la 
          douleur et le sacrifice du corps) suivi d'une jubilante démonstration 
          des leçons récemment assimilées contre l'assassin 
          homonyme qui sera primé par les amateurs. Cet éclatement 
          des terrains connus devrait s'avérer un amalgame rassembleur 
          où chacun aura « son » Batman favori, sa vision du 
          mythe multi-milliardaire personnifié dans cette figure valant 
          littéralement son pesant d'or. Ne serait-on pas aussi ces petits 
          enfants de la cour d'école à fantasmer du anti-héros, 
          le Chevalier Noir? Du moins, les artistes de Studio 4°C semblent 
          bien à l'affut de cette propension de l'imaginaire dont ils peuvent 
          facilement mener leurs impulsions de grandeur jusqu'en impulsions de 
          mort, de terreur.
  
        Version française : - 
        Scénario : Josh Olson, Jordan Goldberg, Greg Rucka, Brian 
        Azzarello 
        Distribution : Kevin Conroy, Jason Marsden, Scott Menville, George 
        Newbern 
        Durée : 75 minutes 
        Origine : États-Unis, Japon 
        Publiée le : 29 Août 2008 |