A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

BATMAN (1989)
Tim Burton

Par Alexandre Fontaine Rousseau

En bout de ligne, le débat à savoir lequel des deux Batman réalisés par Tim Burton s'avère supérieur tourne autour d'une fausse confrontation entre deux films foncièrement différents l'un de l'autre. L'excellent Batman Returns n'est pas l'adaptation d'une bande dessinée, mais plutôt un film de Tim Burton mettant par hasard en vedette un célèbre personnage de l'univers populaire des comic books américains. Le sombre conte gothique qu'il livra en 1992 frustra Warner et consterna le grand public, qui l'accusa d'être beaucoup trop grave et violent pour être vu par des enfants. De son côté, le Batman de 1989 demeure le troisième film le plus rentable paru durant cette décennie. Même s'il arbore clairement l'inimitable signature du maitre Burton, Batman demeure un blockbuster de grande envergure fait dans les règles de l'art. Cependant, c'est dans ce genre précis un produit d'une qualité et d'un raffinement sans grand égal que l'on visionne encore aujourd'hui avec un franc plaisir.

Film se distinguant d'abord et avant tout par son esthétique soignée, Batman n'a presque rien en commun avec le sombre carnaval hivernal de son cauchemardesque successeur. C'est plutôt un hommage visuel relevé aux films de gangsters des années 40 assaisonné à la sauce fantastique. En plongeant son film dans cette atmosphère, Burton livre un néo-film noir aux reflets d'expressionnisme allemand qu'il déguise en aventure de super héros. Toutefois, il ne peut s'empêcher quelques clins d'oeil gothiques et s'amuse à terminer le tout dans le clocher d'une gigantesque cathédrale, où il peut employer à sa guise gargouilles et autres détails architecturaux qui nourrissent depuis toujours son univers visuel.

Batman est un film formidablement superficiel en ce sens que Burton évacue toute psychologie pour plutôt jouer la carte de la caricature éclatée. Au contraire du Batman Begins de Christopher Nolan, cette incarnation du célèbre héros et de Bruce Wayne demeure certes assez unidimensionnelle. Le scénario implante bel et bien quelques informations de base sur le passé trouble de Wayne, question de situer tout le monde et d'offrir une solide ébauche de conflit interne. Mais dès qu'il en a la chance, c'est sur le formidable Joker qu'incarne Jack Nicholson que le réalisateur aiguille le trajet de son film. Tout tourne autour du bouffon mégalomane et de sa folie. Encore ici, les motivations ont peu d'importance. Interprétant un solide Jack Napier qui a tout d'un Jack Torrance encore plus ouvertement débile, Nicholson s'en donne à coeur joie et offre un jeu généreux et théâtral. Qui s'offusquera de voir que le scénariste Sam Hamm a complètement trafiqué les origines du personnage lorsque le résultat est aussi amusant à voir se démener à l'écran?

Les puristes, sans contredit, auront beaucoup à redire sur le film. Mais les cinéphiles seront pour leur part hautement satisfaits par le travail du réalisateur de Beetlejuice. Burton tourne la plupart de ses scènes d'action avec humour et économie de moyens. Au contraire des montages inutilement saturés des films de Nolan et de Schumacher, Burton tourne ses séquences de combat en quelques plans clés bien cadrés plutôt que d'assommer le spectateur avec une avalanche de plans flous ou une orgie de cadrages biscornus. Cette élégance s'explique du fait que pour Burton, les décors sont ici aussi importants que ce qui s'y déroule.

Triomphe glorieux du style sur la substance, Batman premier charme parce qu'il arrive à suggérer un univers dur et glauque aux antipodes de l'esthétique kitsch de la série des années 60 sans oublier sa vocation de divertissement léger. On pourrait tenter de se pencher sur cette exploitation systématique de la cupidité qu'utilise le Joker comme arme, ou noter que le gros du duel entre Batman et son adversaire est médiatique et orienté sur la perception d'un grand public. Mais ce dont on se souvient vraiment, c'est de ce splendide univers que crée une fois de plus un Burton ici au sommet de sa forme mais plus subtil qu'à l'habitude dans l'expression de ses préférences stylistiques personnelles. Exemple raffiné d'équilibre, ce Batman vaut encore son pesant d'or et n'a pas pris une ride malgré quelques chansons de Prince qui rappellent la décennie de sa parution.




Version française : Batman
Scénario : Sam Hamm, Warren Skaaren
Distribution : Michael Keaton, Jack Nicholson, Kim Basinger, Pat Hingle
Durée : 126 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 26 Juin 2005