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BAISERS VOLÉS (1968)
François Truffaut

Par Frédéric Rochefort-Allie

Antoine Doinel, un peu comme Rocky, est un personnage s'étant mérité pas moins de 5 films à lui seul, un exploit! Or, la comparaison s'arrête là, puisque le cycle des Doinel est une série de portraits qui sont tracés à différentes périodes de sa vie et ne correspondent en rien au principe des "sequels" américains.

Comme dans toute bonne saga, l'histoire doit être suivi à partir de son début pour comprendre le développement logique du personnage. Baisés Volés reprend les aventures du sympathique jeune garnement des 400 coups qui avait marqué l'histoire du cinéma français. Maintenant âgé de 24 ans, réformé de l'armée, il partage son temps entre des boulots tous aussi minables les uns que les autres et reproduit sans cesse une maladresse pathétique dans ses amours. Antoine Doinel souhaite s'intégrer dans la société, mais le jeune homme en crise d'identité fait face à une véritable incapacité de mener une vie bien ordinaire. Le jeune Doinel en vient même jusqu'à répéter son nom indéfiniment devant le miroir, comme pour faire surgir son identité.

François Truffaut se permet avec la série des Antoine Doinel de faire dans la comédie, un genre qui ne lui est pourtant pas si familier, mais qu'il arrive à dominer néanmoins. Baisés Volés est un film léger. Il ne se prend pas véritablement au sérieux. Il marque aussi une certaine rupture avec la gravité d'oeuvres comme Jules et Jim. C'est aussi non sans une certaine nonchalance que Truffaut réalise cette suite. Il souligne qu'en 68, année des grands combats sociaux en France, Godard et lui menaient une lutte plutôt fougueuse pour défendre l'existence de la cinémathèque française, à laquelle le film est dédié d'ailleurs. Ceci lui coupa quelque peu l'attention et le temps nécessaire à la réalisation. Entre deux manifestations, il invitait les acteurs dans ses décors, tournait quelques prises, et hop, repartait la journée même combattre l'oppresseur sans même avoir regardé la moindre prise tournée à la hâte. Par chance pour Truffaut, ce qui aurait du être un échec lamentable fit plutôt preuve d'un génie narratif hors-pair. L'originalité de sa plume, se rapprochant parfois du documentaire, étant donné les nombreux témoignages qu'il récolte auprès de véritables personnes, combinée aux anecdotes farfelues de ces dernières, crée de véritables scènes comiques et réalistes, mais avant tout humaines.

Tout comme dans Les 400 coups, Doinel se veut le reflet de son créateur, et c'est pourquoi l'indifférence de Truffaut s'imprègne chez le personnage et renforce son aliénation. Jean-Pierre Léaud renfile le personnage d'Antoine avec une certaine fierté vaniteuse, faute de cette absence du réalisateur, et semble se plaire à s'écouter jouer. Cette faute, qui aurait pu bousiller la carrière de n'importe quel acteur, alimente ce rôle de mésadapté pour qui toute distanciation ne peut être que bénéfique. Dans l'une des scènes les plus célèbres du film, Doinel bondit vers Christine, son « amour » - qu'il partage entre deux prostituées - pour l'embrasser, le tout dans une gaucherie incroyable, comme s'il était paralysé d'une peur bleue par l'idée d'un véritable contact humain. Même la maladresse des improvisations aide le personnage d'Antoine Doinel à sembler engourdi en amour et antipathique.

Baisers Volés réussit à bien des niveaux à symboliser l'état même de la jeunesse française de la fin des années 60, même si Truffaut a toujours détesté qu'on lie son film à la crise de mai 68. Il s'agit certainement de l'un des films les plus populaires à cet égard. Bien que les plus fervents et puristes des amateurs de l'oeuvre du cinéaste y préféreront certainement Les 400 coups, et avec raison, cette comédie romantique reste intéressante pour qui souhaite s'initier à la nouvelle vague sans recevoir un coup de masse en pleine poire. Le film nous laisse sur cet air de Charles Trennet qu'on fredonne presque instantanément: Que reste-t-il de nos amours?




Version française : -
Scénario : François Truffaut, Claude de Givray, Bernard Revon
Distribution : Jean-Pierre Léaud, Delphine Seyrig, Claude Jade, Michael Lonsdale
Durée : 90 minutes
Origine : France

Publiée le : 22 Mars 2006