THE ASSASSINATION OF RICHARD NIXON (2004)
Niels Mueller

Par Frédéric Rochefort-Allie

Quand un film porte le titre de L'assassinat de Richard Nixon, la première question qui devrait vous passer à l'esprit c'est: comment est mort cet ex-président? Fut-il tué? Basé sur une histoire vraie, ce premier film signé Niels Mueller aura fait largement jaser de lui et non pas seulement par son titre provocateur. Produit par Leonardo Dicaprio, Alexander Payne et Alfonso Cuaron, trois personnages aussi critiques à l'égard de leur gouvernement qu'importants dans le domaine. Ce film, c'est leur pamphlet contre la politique actuelle, il doit donc être considéré avec un petit grain de sel. Ce n'est d'ailleurs pas pur hasard qu'il fut présenté à Cannes, la même année que Fahrenheit 9/11.

Travis Bickle était un conducteur de Taxi, délaissé par la fille qu'il aime, qui décida un jour de s'impliquer dans sa société. Mais il réalisa lors de son aliénation que les politiciens sont des menteurs professionnels. Le personnage décida donc de comploter un assassinat. De son côté, Sam Bicke (Sean Penn) est un vendeur de meubles, séparé de sa femme (Naomi Watts), qui constate que Nixon est le menteur par excellence en Amérique et qui se décide à arrêter à tout prix ce mensonge, au risque d'y laisser sa vie. Des ressemblances dites-vous? En effet, rajoutez un L au nom du personnage incarné par Sean Penn et vous obtiendrez certainement un Taxi Driver 2.0 aux gouts du jour. Bien sûr, l'élément du fait véridique nous indique que le film ne fut pas plagié, mais reprend simplement des vérités.

Ce film joue assez rapidement cartes sur table et tente de toutes les façons imaginables d'attirer la pitié et la sympathie du spectateur, pour en quelque sorte expliquer l'horreur éventuelle qui sera commise. Il perd donc bien vite notre intérêt, si ce n'était de la performance remarquable de Sean Penn, mais qui se retrouve canalisé dans un personnage prévisible. À ses côtés, Naomi Watts arrive aussi à s'en tirer plutôt bien avec son personnage unidimensionnel. Mais l'habileté des deux acteurs n'est plus à prouver, et même s'ils sont d'un sacré atout, leur présence ne sauve pas ce film qu'on devine aussi bien qu'un roman déjà lu, par ses ressemblances plus que frappantes avec Taxi Driver. Encore une fois, ces similitudes peuvent s'expliquer par le fait que le personnage de Travis Bickle peut avoir été inspiré de Sam Bicke, l'authentique, mais dans ce cas, le cinéaste aurait dû tenter d'empêcher qu'on y fasse des rapprochements plutôt que de miser spécialement sur eux.

Pour un début, Niels Mueller aura réalisé un film fort intéressant visuellement, se rapprochant beaucoup du style caméra sur épaule fièrement adopté par Alejandro Gonzalez Iñarritu (21 Grams, Amores Perros). Coïncidence qu'il partage deux des principaux acteurs de la distribution de 21 Grams? La question se pose. Mais au-delà de cadrages intéressants et d'une jolie direction photo, le pastiche du style de Iñarritu se rapproche aussi largement de la structure de Taxi Driver, donc de Martin Scorsese, où au lieu d'écrire un journal, le protagoniste enregistre une cassette. L'originalité manque largement et c'est probablement ce qui finit par tuer un peu l'impact qu'aurait pu avoir un film de la sorte, rempli d'idées géniales, mais toutes exécutées de façon un peu maladroite. N'oublions pas que Monsieur Mueller en est à sa première oeuvre, ce qui laisse présager une carrière intéressante quand ce dernier saura trouver sa propre signature.

Bref, sans une distribution d'acteurs aussi remarquables, The Assasination of Richard Nixon n'a rien de véritablement épatant ou de particulièrement original. On retiendra un Sean Penn particulièrement touchant et convaincant, une réalisation pas si mal par son cinéaste débutant et un film dans son ensemble qui demeurera dans l'ombre de Taxi Driver. L'effet se compare donc à un beau gros pétard mouillé qu'on aurait enrobé de feuilles d'or pour tenter de l'enjoliver. Décevant pour une oeuvre soutenue avec ardeur par tant de personnages importants. Comme son protagoniste, le film se prétend lui-même un grain de sable qui peut faire mal à l'engrenage de la machine politique alors qu'il ne se résume simplement qu'à un bon petit film. Quelle ironie!