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ANNIE HALL (1977)
Woody Allen

Par Frédéric Rochefort-Allie

On le reconnait facilement. Par ses épaisses lunettes, par sa taille maigrichonne, par ses angoisses, par son amour inconditionnel pour New-York, par son attitude pessimiste face à la vie, Woody Allen est un personnage mythique, tant dans l'histoire du cinéma que dans le domaine de l'humour. Qu'on l'aime ou qu'on le déteste, il est un incontournable. Son regard critique et son humour cinglant ont pondu en 1977 un film mémorable sur l'amour. Oubliez le rejeton When Harry met Sally, ici c'est When Alvy Met Annie et c'est bien mieux ainsi.

Alvy (Woody Allen), un intellectuel élitiste juif antisémitophobe, rencontre un beau jour en jouant au tennis la jolie, quoi que candide, Annie Hall (Diane Keaton). Cependant voilà, leur relation se termine et c'est là tout le problème d'Alvy.

Annie Hall, comme bon nombre de films de Woody Allen, est une réalité à peine voilée. Que ce soit par le fait qu'Alvy partage les mêmes discours et le même métier que son créateur, ou que Diane Keaton se nomme en quelque sortes Annie Hall dans la réalité, on comprend rapidement qu'il s'agit d'une psychanalyse cinématographique. C'est peut-être justement cet ancrage dans la réalité qui fait d'Annie Hall un film réel et touchant car il vient fort probablement puiser dans des souvenirs, d'où cette authenticité sentimentale qui émane du film. Ce chef-d'oeuvre signé par le maitre Allen est avant tout une comédie romantique qui vise un regard critique sur la relation amoureuse. Par sa structure narrative hautement originale, le film navigue entre divers moments cruciaux de la vie d'Alvy, lui permettant au passage de commenter en s'adressant directement au spectateur. C'est par sa maitrise totale de l'art du dialogue que Woody Allen réussi l'un des plus grands défis scénaristiques, soit celui de faire réfléchir, de toucher et de provoquer des rires par un seul et même monologue, défi appliqué sur la totalité de son oeuvre. L'humour de Woody Allen est extrêmement cérébral et évite à tout prix de tomber dans la vulgarité, bien qu'il touche plusieurs aspects de la sexualité. Allen n'hésite pas à faire communiquer des messages sociaux tant chez les Juifs que les Américains, tant chez les New-Yorkais que les Californiens, et tant sur l'assassinat de JFK que sur l'éventuelle expansion de l'univers. L'effet est percutant.

Formellement, pratiquement tout film de Woody Allen se ressemble, c'est un fait. Mais rares sont ceux de sa filmographie qui arrivent à servir le style de son cinéaste et acteur vedette avec une telle efficacité. Présentées comme de petits segments de vie, de petites conversations, les scènes sont aussi agrémentées d'une dimension fantaisiste qui les illuminent par leur imagination. Allen joue avec son spectateur et s'amuse à transformer de petites choses fort simples, comme les sous-titres, en effet qui redouble d'ingéniosité une fois associé à ses scènes. La sensibilité névrotique du réalisateur crée aussi de superbes moments réalistes, tels que le cinéma ne nous offre que trop rarement, en particulier dans le genre de la comédie romantique où tout est généralement aux clichés et aux happy-ends.

Woody Allen, jouant une caricature de lui-même, ne peut qu'être incontestablement parfait dans son rôle. Bien entendu, nous pouvons lui reprocher de ne jamais être à contre emploi, de toujours miser sur les mêmes aspects de sa personnalité. Mais n'oublions pas qu'à la base, Woody Allen n'est pas un acteur en quête de rôles stimulants, mais plutôt un artiste à part entière s'étant exprimé dans bon nombre de domaines (littérature, humour, théâtre, cinéma). Comme dans tout film, ce dernier préfère laisser briller sa muse, en l'occurrence à l'époque Diane Keaton, qui justement bénéficie d'une présence et d'un charme captivant. On comprend alors pourquoi le titre est bel et bien Annie Hall. L'actrice, dont on oublie la présence dans le mythique Godfather, incarne à merveille son personnage. À quel degré puise-t-elle dans la réalité pour son interprétation? Nul ne le sait, mais la crédibilité du personnage n'en voit que des bénéfices. À eux s'ajoutent des caméos, tous plus hilarants les uns que les autres, dont un jeune Christopher Walken toujours aussi fascinant pour ses monologues et Paul Simon dans un petit rôle tout de même important. Si Woody Allen jongle toujours avec le même univers tant d'acteurs que de thèmes, il arrivait néanmoins dans sa jeunesse à leur trouver une approche d'un haut degré d'originalité et à tirer les bonnes ficelles pour éviter d'être récurant. À noter qu'il s'agit ici du passé, car malheureusement, il le devint une décennie plus tard.

Parfois détesté, parfois acclamé, Woody Allen n'est certes pas un cinéaste au succès unanime. Par contre, il est d'une évidence qu'Annie Hall est une pièce maitresse dans l'oeuvre du cinéaste, l'un des plus grand film de son époque et un classique dans l'histoire du cinéma. Sa sensibilité, son regard humain et ses railleries transcenderont encore bien des époques car l'amour est un thème universel et immortel et Annie Hall, contrairement à bien des films de son genre, ne fait pas dans les mièvreries. Voilà un bijou qui se classe indéniablement parmi les incontournables du maitre et constitue une excellente initiation à sa filmographie, à condition bien sûr, d'être cinéphile.




Version française : Annie Hall
Scénario : Woody Allen, Marshall Brickman
Distribution : Woody Allen, Diane Keaton, Tony Roberts, Carol Kane
Durée : 93 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 20 Novembre 2004