A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009


17 OCTOBRE 1961 (2005)
Alain Tasma

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Avec au programme le célébré Caché de Michael Haneke ainsi que ce 17 octobre 1961, le Festival du nouveau cinéma souligne cette année un certain retour effectué par le cinéma français sur les blessures laissées par la guerre d'Algérie dans la conscience de cette nation. Rescapé par des producteurs ayant saisi sa remarquable pertinence, 17 octobre 1961 est à l'origine un téléfilm réalisé par Alain Tasma, un spécialiste du petit écran ayant aussi sur sa feuille de route quelques boulots à titre d'assistant réalisateur pour Truffaut et Godard au début des années 80. Et, si la facture visuelle et le rythme de l'ensemble ramènent indubitablement au format téléfilm, force est d'admettre que 17 octobre 1961 mérite cet heureux sort que lui a réservé le destin. Impitoyable leçon d'histoire sur un terrible évènement longtemps passé sous silence, toujours nié formellement par le gouvernement français, le film de Tasma nous ramène à Paris dans les dernières heures du conflit entre le gouvernement du Général de Gaulle et le FLN.

Alors que la pression exercée par l'organisation terroriste algérienne sur les forces de l'ordre en sol français augmente et que la tension dans les milieux policiers atteint son paroxysme, le préfet Papon décide d'encourager ses troupes en leur donnant carte blanche quant aux moyens à utiliser contre les membres de l'organisation pris en flagrant délit. Mus par un désir de venger les leurs tombés au combat, les policiers se servent de cette autorisation pour laisser libre cour à leur haine. Divers membres de la communauté algérienne sont attaqués sans motif valable. Cependant, c'est lors d'une manifestation pacifique organisée par le FLN que toute raison cèdera une bonne fois pour toute. Durant cette nuit noire, de 50 à 200 individus sans arme seront abattus par des représentants des forces de l'ordre. Si le chiffre exact demeure à ce jour inconnu, c'est qu'aucune commission d'enquête ne fut levée pour clarifier les évènements. Autour de la nuit du 17 octobre 1961 règne la loi du silence.

Le film de Tasma est une fiction explosive montée à partir d'évènements véridiques. À l'exception de Papon et de son adjoint Somveille, tous les personnages présentés ici sont le fruit du scénario de Patrick Rotman et de François-Olivier Rousseau. Cette forme plus libre permet cependant une intéressante multiplicité des points de vue, dont le vaste spectre permet de mieux saisir les enjeux et les causes du drame. De l'Algérien moyen au policier véreux en passant par les hautes sphères du pouvoir et la population française insouciante, 17 octobre 1961 brosse un portrait complet du climat socio-politique de l'époque. Il n'y a pas de parti pris pour un camp ou pour l'autre. Bien sûr, les autorités françaises et la police sont l'arme du crime. Mais ces dirigeants du FLN, conscients de la dure répression à laquelle devront faire face les leurs, sacrifient ceux-ci en toute connaissance de cause sur le champ de bataille pour un peu de capital politique.

Bien sûr, quelques raccourcis psychologiques sont employés pour distiller le tout en un produit de moins de deux heures. Mais le film présente avec une logique implacable quoique parfois un peu simpliste les mécanismes de cette escalade de violence. Un racisme rampant au sein des forces de l'ordre et la misère de la communauté algérienne, entassée dans d'horribles bidonvilles aux abords de Paris, sont les principaux ingrédients de cette recette promettant la catastrophe.

Courageux et vif, 17 octobre 1961 présente avec une belle maitrise les grandes lignes de cette nuit fatidique. Si le cinéma français ne sait plus trop où donner de la tête, il semble que sa télévision se soit décidée à prendre la relève. En France, où l'on craignait voir un homme de la trempe de Jean-Marie Le Pen saisir le pouvoir, ce film est essentiel. Ici, il possède encore une résonance certaine. Si on affirme souvent qu'il faut apprendre des erreurs du passé, cette leçon d'histoire solidement assénée est un agent provocateur fort efficace pour éveiller chez le spectateur la mémoire d'un évènement que l'on a longtemps tenté de nous faire oublier à tout prix.




Version française : -
Scénario : Patrick Rotman, François-Olivier Rousseau, Alain Tasma
Distribution : Clotilde Courau, Thierry Fortineau, Jean-Michel Portal, Ouassini Embarek
Durée : 106 minutes
Origine : France

Publiée le : 22 Octobre 2005