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Campaign, The (2012)
Jay Roach

Une course oubliable

Par Maxime Monast
« He thinks he can win this fair and square. He thinks that having the most votes is gonna mean something. » - Chris Rock

Choisir l’arène politique comme sujet de film s’avère une décision importante pour n’importe quel acteur ou réalisateur. Le fait de prendre position a ses conséquences. Choisir la gauche ou la droite (que ce soit à l’extrême ou au milieu), c’est s’attirer automatiquement les foudres de détracteurs. Bref, n’importe quelle prise de position peut s’avérer néfaste. Mais qu’arrive-t-il lorsqu’un film nous offre une opinion tellement générale, tellement insignifiante, qu’on n'en oublie que la démocratie est en jeu?

Depuis déjà plusieurs années, Cam Brady (Will Ferrell) est le seul candidat à se présenter dans le quatorzième district de la Caroline du Nord. Mais voilà que, à son grand désarroi, il devra soudainement faire campagne contre le très particulier Marty Huggins (Zach Galifianakis). Aidé financièrement par les sinistres frères Motch (Dan Aykroyd et John Lithgow) et son chef de campagne Tim Wattley (Dylan McDermott), Marty donnera du piquant à cette course électorale. Au coeur d’histoires de corruption et de scandales épouvantables, les deux candidats mèneront une bataille sans merci.

Avec The Campaign, Jay Roach (réalisateur des franchises Austin Powers et Meet the Parents) nous offre sa version d’une satire politique. Mais la présente manifestation demeure toutefois toujours au premier degré. À un point tel que l’utilisation du mot « satire » paraît même un peu déplacée. D’une grossièreté abrutissante, jouant avec l’idée que les grosses compagnies contrôlent les États-Unis, Roach nous fait endurer son manque de tact pendant ce qui pourrait bien être les plus longues 85 minutes de votre vie. Même si la filmographie du réalisateur américain contient deux autres films à saveur politique (Recount et Game Change), cela ne veut pas dire que ce dernier est qualifié pour marier son gagne-pain à sa passion pour la machine électorale. Ici, la symbiose n’est pas parfaite. Elle est même diforme, sortie tout droit d’un film de David Cronenberg.

De plus, il me paraît étrange d’employer la politique et ses inévitables vices dans le simple but d’y insérer de mauvaises blagues qui pourraient fonctionner dans n’importe quel autre contexte. Remplacez la politique pour le sport ou la musique et vous arriverez ici au même résultat. Le thème ici est simplement la rivalité. Deux hommes à la recherche du pouvoir, d’un titre. Que ce soit pour le bien ou le mal, Huggins et Brady sont des marionnettes. Leur position politique n’a aucune importance. « Amercica, Family and Jesus » sont les fondations de n’importe quelle campagne états-unienne. Le but n’est donc pas d’immerger le spectateur dans la complexité de la politique. N’oubliez pas, le tout est toujours exécuté au premier degré. Brady est qualifié par ses cheveux et Huggins par sa moustache. Si vous avez besoin d’explications supplémentaires après un visionnement de The Campaign, vous avez probablement une tumeur au cerveau. La mort est à vos trousses et ce film est votre diagnostic.

The Campaign n’est donc pas une satire politique. C’est une invitation - comme la plupart des productions de Gary Sanchez - au spectacle qu’est un film mettant en vedette Will Ferrell. Une autre façon de nous montrer l’éventail comique très limité de l’ancien vétéran de Saturday Night Live. Par contre, son panthéon filmique est parsemé de petits bijoux, tels Anchorman et Step Brothers, mais sa présence sur nos écrans est tellement accrue qu’il est difficile de toujours miser juste. The Campaign appartient pour sa part à cette catégorie de films que l’on oublie à la sortie de la salle. Une production dans laquelle aucun gag n’est mémorable, tandis que chacune des scènes s’avèret tellement interchangeable que l’on finit par oublier si elle faisait partie de ce film-ci ou d’un autre. Comme dirait Huggins : « …It’s a mess! »

C’est dans cette même ligne de pensée que Ferrell et Galifianakis participent pour la première fois à un projet commun. « Deux des acteurs comiques les plus importants de la présente génération réunis dans un même film. Un succès assuré! », se disaient probablement les dirigeants de la Warner. Malheureusement, on aura oublié en cours de route de créer une production digue du talent de ces deux monstres sacrés de la comédie américaine. En effet, l’écriture de Todd Phillips, qui aura propulsé Galifianakis au sommet grâce à l’incontournable The Hangover, et la réalisation d’Adam McKay, l’un des seuls réalisateurs capables d’exploiter le plein potentiel de Ferrell, ne sont aucunement au rendez-vous ici. À la place, nous avons droit à un Jay Roach loin de sa zone de confort (l’humour slapstick et les accessoires faciles d’Austin Powers) tentant de remettre les pendules à l’heure suite au désastre qu’aura été l’adaptation américaine du Dîner de cons. Bref, nous comprenons très vite que le plaisir et l’effort brillent ici par leur absence. Comme me l’aura fait remarquer une amie après la projection, la seule similarité entre The Campaign et la politique, c’est que « nous avons toujours l’impression de nous faire fourrer » dans un cas comme dans l’autre.

Finalement, pour tous ceux qui espéraient se voir servir un pseudo Ides of March comique - je suis persuadé que vous existez -, vous ne recevrez aucunement le plat tant convoité. Peut-être aviez-vous des attentes trop élevées. Peut-être aurez-vous voulu donner une chance à ce film en pensant que quelqu’un avait finalement été assez audacieux pour livrer une nouvelle production intelligente, drôle et osée sur la politique américaine de la trempe de Wag the Dog. Si tel est le cas, c’est malheureusement votre erreur. Mais si vos attentes sont basses et que vous espérez un humour primitif, The Campaign est le film parfait. Quelle honte.
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Critique publiée le 10 août 2012.