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Project X (2012)
Nima Nourizadeh

Wish You Were There

Par Jean-François Vandeuren
Pour la deuxième fois en moins d’un mois, le « found footage movie » s’éloigne de nouveau du cinéma d’horreur, auquel il est généralement associé, pour servir un registre jouissant lui aussi d’une grande popularité depuis quelques années. Ainsi, comme le surprenant Chronicle de Josh Trank aura su le faire pour le récit de trois adolescents ayant hérité de pouvoirs surnaturels, le Project X de Nima Nourizadeh filme pour sa part les festivités imaginées par un autre trio de jeunes individus de la perspective subjective de diverses caméras et autres appareils mobiles. Il n’est évidemment pas surprenant de voir Todd Phillips, l’homme derrière The Hangover, agir ici à titre de producteur d’une autre histoire de débauche. La différence, c’est que nous serons appelés cette fois-ci à vivre cette fameuse nuit durant la majorité des quelques 88 minutes sur lesquels s’étale Project X, rapportant la fête d’anniversaire des plus ambitieuses qu’organisera Costa pour son ami Thomas, lesquels s’avèrent en soi des versions un peu plus tangibles des personnages qu’interprétaient Jonah Hill et Michael Cera dans l’excellent Superbad de Greg Mottola. Encore là, nous n’aurons pas à patienter durant les deux tiers du film avant de voir nos deux confrères, et un troisième complice tout aussi peu dégourdi, prendre finalement part à la soirée. Ces adolescents typiques passant complètement inaperçus dans leur milieu académique - le père du fêté n’hésitera pas d’ailleurs à employer le mot « perdant » pour parler de sa progéniture - mettront ainsi sur pied un party aux proportions démesurées afin de se faire un nom, et surtout d’avoir enfin une chance avec les filles les plus en vue de leur école, avec qui ils n’en auraient ordinairement aucune.

Afin de s’assurer qu’un maximum de gens se présente à cette soirée organisée par des étudiants avec lesquels peu d’entre eux sont pourtant familiers, Costa mettra sur pied une campagne de promotion dithyrambique qui finira par porter fruit, un peu trop même. Ce que proposera le long métrage de Nima Nourizadeh à partir du moment où les conviés et leurs propres invités débarqueront massivement à la résidence de Thomas, c’est la version fantasmée à l’extrême de ce type d’événements tel que mise en scène par Hollywood, avec tout ce que cela implique en termes d’excès, de consommation abusive d’alcool et de substances illicites et de jeunes femmes acceptant volontiers de se dévêtir pour le bien du spectacle. Le but visé par les scénaristes Matt Drake et Michael Bacall à cet effet sera visiblement de rendre complètement inoffensives en comparaison les fêtes mémorables qu’auront tenues jadis Jake Ryan dans le Sixteen Candles de John Hughes et les membres de la confrérie Delta dans le Animal House de John Landis - auquel Project X rendra d’ailleurs hommage en toute fin de parcours. Le présent exercice s'évertuera alors à illustrer la façon dont les choses déraperont à mesure que progressera la nuit avant de devenir totalement hors de contrôle entre cette première plainte d’un voisin, le moment où les festivités s’éparpilleront à l’intérieur de la demeure de Thomas, au grand dam de ce dernier, et cette séquence fatidique où un individu en colère mettra littéralement le feu au quartier avec un lance-flammes. Project X a ainsi le mérite de jouer le jeu en ayant toujours la démesure en tête, prenant un malin plaisir à repousser les limites de ce genre de scénarios en ne s’intéressant toujours qu’à l’instant présent.

L’humour du film émanera évidemment en grande partie de l’excitation et de la nervosité qui s’empareront de plus en plus des principaux représentants de cette jeunesse en quête d’interdits festoyant à l’écran, qui, comme nous pouvions l’espérer, mènera à une quantité considérable de séquences absolument désopilantes. Project X tire également profit à cet égard de sa distribution majoritairement constituée de non-acteurs, lesquels livrent des dialogues tout aussi délirants en plus d’exécuter un jeu physique des plus effectifs avec tout le flair comique désiré. Le tout en conférant à l’effort une certaine authenticité qui viendra contrebalancer les élans excessifs dont il se nourrit allègrement. Nous noterons ici la performance hilarante d’un Oliver Cooper s’imposant dans un rôle dans lequel aurait certainement brillé Jonah Hill il y a quelques années. La présence de Nima Nourizadeh à la réalisation se sera également imposée d’elle-même, lui qui, comme tant de cinéastes de sa génération, se sera d’abord fait un nom dans le milieu de la publicité et du vidéoclip avant de faire le saut au grand écran. Un choix tout ce qu’il y a de plus logique si nous considérons que l’essence de Project X est en soi la même que celle composant la plupart des clips des artistes populaires d’aujourd’hui. Nourizadeh s’impose également de par l’instinct et l’efficacité avec lesquels il gère la progression du récit en l’intégrant étroitement à la dynamique de la soirée en cours, qu’il ponctuera de plusieurs séquences de montage d’images indissociables de ce genre d’événements et du rythme des pièces musicales auquel vibre l’ensemble de la production. Le cinéaste se sera ainsi assuré que l’expérience ne paraisse jamais redondante et, par la même occasion, que le spectateur demeure bien ancré dans ses rouages du début à la fin.

La prémisse de Project X demeure évidemment d’une rare insouciance, son niveau d’intellect aussi mince qu’une feuille de papier, et les moyens pris pour la mettre en images l’empêchent bien souvent de gagner en importance ou de conférer un caractère plus approfondi à la masse d’individus s’agitant à l’intérieur de ses cadres. Ceci étant dit, la démarche visuelle de Nima Nourizadeh impressionne néanmoins de par la façon dont elle réussit à rendre son énergie contagieuse auprès d’un public qui, pourtant, sera contraint de demeuré immobile tout au long de ce spectacle tenant davantage au final de l’expérience sensorielle que de la production cinématographique à proprement parler. De leur côté, Drake et Bacall feront passer les principaux responsables de ce capharnaüm sans précédent par les bonnes vieilles péripéties propres à toutes bonnes comédies adolescentes. Project X ne s’en fait d’ailleurs aucunement avec les questions d’éthique ou de morale, embrassant sans pudeur la vision souvent irréfléchie, sexiste et carrément stupide d’une jeunesse n’ayant pas encore la maturité nécessaire pour mettre ses priorités à la bonne place. Un manque à gagner qu’il abordera lors de la confrontation étonnamment posée entre Thomas et son père suite au raz-de-marée qui aura mis ce quartier normalement si paisible sens dessus dessous. Une séquence durant laquelle les deux scénaristes questionneront la pertinence d’hypothéquer son avenir de la sorte pour une seule et unique soirée tout en laissant paraître une certaine fierté chez une figure paternelle qui n’aurait jamais cru son fils capable d’être à l’origine d’un événement d’une telle magnitude. Aussi futile puisse-t-il être, le film de Nima Nourizadeh aura respecté son mandat de recréer l’atmosphère survoltée de ces soirées qui, bien souvent, finissent de toute façon par faire ressortir des qualificatifs tels « vulgaire », « outrancier », voire « bêtement juvénile ».
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Critique publiée le 2 mars 2012.