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Friday the 13th Part 2 (1981)
Steve Miner

Croque-mitaine superstar

Par Alexandre Fontaine Rousseau
À lui seul, le slogan publicitaire de Friday the 13th Part 2 résume assez bien l'essence du produit qu'il sert à vendre : « The body count continues… » Cette idée même d'un décompte des corps, d'une valeur numérique de la mort, révèle assez bien ce cynisme assumé distinguant le slasher des autres ramifications majeures de l'histoire du cinéma d'horreur. En apparence, le film de Steve Miner ne fait que s'inscrire dans la même veine macabre que son prédécesseur : il s'agit tout bonnement d'un autre « dead teenager movie », expression inventée par le critique Roger Ebert pour décrire péjorativement ces parties de chasse cinématographiques dont le but avoué est de tuer un maximum de proies adolescentes. Mais, bien que la formule soit essentiellement la même, cette suite va sur un point clé se démarquer du modèle filmique dont il poursuit assez fidèlement la sinistre tradition. Dans Friday the 13th, le tueur n'était nul autre que Pamela Voorhees… la mère du célèbre Jason Voorhees, dont les frasques sanglantes feront la renommée de cette saga. D'une certaine manière, le coup de théâtre du fameux film de Sean S. Cunningham n'en faisait donc qu'un prologue à celui-ci.

Certes, il faudra attendre le troisième volet de la série pour que Jason se munisse de son iconique masque de hockey et soit enfin sacré figure mythique de l'horreur au grand écran. Mais, par le simple fait de mettre en vedette le célèbre croque-mitaine, on peut tout de même affirmer que Friday the 13th Part 2 est l'opus qui lance réellement le bal. Chose certaine, c'est ici que se précise la prémisse que recycleront bêtement tous les films suivants. On peut même affirmer que la première apparition à l'écran de Jason Voorhees confirme, mieux que tout meurtre sanglant, le nihilisme sanguinaire de la franchise. Car, en faisant du meurtrier son protagoniste principal, cette mouture signée Steve Miner fait définitivement basculer l'équilibre des forces. À partir d'ici, le spectateur suivra les aventures de Jason - monstre violent qui deviendra l'un des antihéros les plus amoraux de la décennie 80. Au cours de la même année 1981, Halloween II confirme quant à lui la place occupée par Michael Myers dans le panthéon de la culture populaire. Les tueurs en série deviennent de véritables vedettes, une tendance que le flamboyant Freddy Krueger de A Nightmare on Elm Street poussera à son paroxysme.

Intolérants gardiens de l'ordre moral, les tueurs de l'ère du slasher s'avèrent en rétrospective de puissants symboles de l'Amérique sous Ronald Reagan - ironiquement élu en 1981, apex de la popularité des maniaques à machette. Et Jason Voorhees, en son genre, est sans doute le plus intransigeant du lot : la rigueur avec laquelle il punit les jeunes « déviants », qu'ils copulent ou se droguent, aurait de quoi rendre fières les ligues de moralité qui, pourtant, s'entêteront à mettre des bâtons dans les roues de ce précieux allié. Généreusement censuré, Friday the 13th Part 2 annonce le début d'une lutte à finir entre la MPAA et les producteurs de slasher - les uns coupant ce que les autres tentent de montrer à un grand public plus que jamais avide de gore. Force est d'admettre qu'il se fait plus flatteur, en tant que personnification de la bonne conscience, qu'un hygiéniste social appliquant ses préceptes à grand coup d'armes blanches. Il faut croire que, pour une fois, les censeurs eurent l'intelligence nécessaire pour saisir l'ambivalence d'une figure cinématographique à double tranchant. Jason, brute sans humour s'acharnant sans aucune pitié sur une poignée d'adolescents qui désirent simplement s'amuser… Voilà qui, somme toute, résume assez bien l'attitude réactionnaire de ses plus féroces adversaires.

Mais qu'en est-il du long métrage lui-même? Fidèle aux habitudes de la série, ce second volet ne fait pas dans la dentelle et, s'il s'est mérité aux yeux de plusieurs mordus du genre le titre de film culte, ce n'est certainement pas en raison de ses qualités formelles remarquables. Tout de même, on note un indéniable raffinement de la technique par rapport à celle qu'affichait son primitif prédécesseur. Simple producteur armé d'une caméra, Sean S. Cunningham battait des records dans l'art de couper les coins ronds. Steve Miner, dès sa première scène de suspense, fait quant à lui preuve d'une plus grande dextérité. Le cadrage, chez lui, participe activement à la création d'une tension. Mais, même « réussis », les Friday the 13th demeurent des slashers terriblement moyens. Et la compétition s'avère à cette époque féroce : la même année, Joseph Zito livre un film bien plus efficace avec le cruel The Prowler, tandis que le My Bloody Valentine de George Mihalka est autrement plus sympathique et ingénieux… Suite au particulièrement mauvais Friday the 13th Part III, livré en 3D par un Miner en mode autoparodique, c'est d'ailleurs Zito qui prendra les commandes de la franchise pour un « Final Chapter » au titre trompeur qui marquera le retour de Tom Savini aux maquillages et effets spéciaux.

À plusieurs égards, ce Part 2 constitue donc un sommet dans la carrière assez peu reluisante de Jason Voorhees. Des suites d'un intérêt variable, allant de relatif à abyssal, se succéderont, engendrant des recettes de plus en plus négligeables jusqu'au début des années 90. Puis, en 2002, le risible Jason X ressuscitera le meurtrier le temps d'une ballade dans l'espace - préparant indirectement le terrain pour le Freddy vs. Jason de 2003, concrétisation d'un vieux projet que New Line et Paramount planifiaient depuis 1987. À rebours, un peu maladroitement, c'est une véritable mythologie qui sera érigée autour du tueur de Crystal Lake; mais, finalement, la légende prendra le dessus sur les réels accomplissements cinématographiques de Jason. Débutant sur un « résumé » plutôt interminable des événements du premier film, une pratique particulièrement paresseuse qui deviendra l'une des traditions de la série, le film de Steve Miner annonce cette stratégie du recyclage et de l'imitation qui, en gros, définira une série mieux connue pour sa barbarie parfois amusante que pour ses qualités intrinsèques généralement inexistantes.
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Critique publiée le 17 août 2011.