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Teenage Mutant Ninja Turtles (2014)
Jonathan Liebesman

Bon pour les égoûts

Par Mathieu Li-Goyette
Si Teenage Mutant Ninja Turtles est emblématique d’une tendance, c’est bien celle des grands studios à fouiller dans leurs catalogues de marques déposées, à la recherche de personnages dont ils pourraient tirer profit en maximisant leur stratégie de marketing sur un présupposé de familiarité. Ainsi va la vague généralement mauvaise, mais persistante du « conte numérique » (Snow White and the Huntsman, Jack the Giant Slayer, Oz the Great and Powerful, Maleficent), sous-genre à esquisser qui raconterait à nouveau les contes les plus célèbres, offrant cette fois la vraie histoire avec de faux effets. Or, depuis le départ de ses propriétés Marvel chez Disney, la Paramount n’a pas cherché bien loin, prétextant la vague du  « 80’s revival » qu’a pris le film d’été depuis quelques années (avec les Transformers de Michael Bay – producteur de ces Ninja Turtles – en tête de liste ou encore avec le récent Guardians of the Galaxy) en misant sur ce même désir de réalisme fort paradoxal : raconter de nouveau l’histoire des tortues ninjas, avec un budget décuplé, un style urbain un peu sale, en faisant comme si ce bric-à-brac réaliste allait être garant de tout le reste.

En ressort un film qui doit jouer, faute de mieux, la carte de la nostalgie dès son générique d’ouverture : on reprend d’abord au comic de Peter Laird et Kevin Eastman son style si particulier, puis plus tard, le thème musical fort reconnaissable du dessin animé, un « Cowabunga » par ici et une pizza fièrement achetée chez Pizza Hut par là… Or l’esprit limitrophe de Jonathan Liebesman (Battle: Los Angeles, Wrath of the Titans) s’arrête là, à la récupération passagère de quelques impressions, quelques souvenirs d’enfance pour les admirateurs de la série. Au-delà des clins d’oeil – et le hic avec les clins d’oeil, c’est qu’ils sont aussi rapides à manquer qu’à attraper –, toute la production semble s’être concertée sur l’attitude paresseuse à arborer, tout à coup qu’une interprétation plus relevée, qu’une décision plus judicieuse, aurait souligné la pitrerie ambiante. Tant dans le jeu anémique des comédiens que dans la mise en place chaotique de ce « nouvel » univers de super-héros prêt à être miné jusqu’à la moelle, le style de Liebesman est inutilement bruyant et nerveux, saccageant toutes règles de mise en scène bonnes à suivre.

Si Teenage Mutant Ninja Turtles échoue quand il se prend pour un film d’animation en images de synthèse, tellement il fait preuve d’une piètre inventivité et d’un montage bégayant ses punchs, il échoue d’autant plus lorsqu’il s’imagine être autre chose. Se rembourre-t-il suffisamment avec cette histoire de domination machiavélique qui dissimule sous ses crocs des caries incorrigibles? Nous divertit-il suffisamment avec ces personnages, qui font sans jamais vouloir, qui planifient sans jamais réfléchir? Nous épate-t-il avec ce scénario qui n’avance sans aucune direction précise, servant aux spectateurs du réchauffé en cette éternelle histoire d’un clan de méchants ninjas qui conspirent à vouloir recouvrir New York d’un vaste nuage toxique? Que nenni.

La jeune journaliste April (Megan Fox) croit pouvoir tirer profit des activités nocturnes du gang, elle les poursuit, les photographie et rencontre par la même occasion ces tortues agiles, stéréotypées en Afro-Américains qui peinent à faire rire. Elle y croit, nous pas. Et c’est probablement parce qu’elle n’y croit pas tout à fait. En effet, tout le film de Liebesbaum est fondé autour de cette fausse amitié qui ne prendra jamais entre l’héroïne et ses quatre nouveaux amis. D’abord déterminée à dévoiler leur existence auprès de sa chef de pupitre (Whoopi Goldberg, qui, additionné sur deux scène, apparaît trois minutes), la jeune ingénue doit se rendre à l’évidence : personne n’achètera son histoire à dormir debout… Alors pourquoi ne pas aider les tortues à sauver le monde? Née d’une contrainte banale et atrocement menée (après tout, la journaliste avait la preuve sur son téléphone intelligent de l’existence des tortues), Teenage Mutant Ninja Turtles ne vaut pas bien plus que l’histoire d’April, surchargée d’âneries avec tellement peu d’inventivité pour les détourner ou encore les assumer qu’elle en devient profondément accablante, voire insultante.
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Critique publiée le 10 août 2014.