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Scenes from the Suburbs (2011)
Spike Jonze

And you told me we'd never survive

Par Maxime Monast
D’album en album, le groupe montréalais Arcade Fire a un concept de plus en plus grandiose. Après 2 disques et un supermaxi, l’art autour de la musique de ce groupe est aussi éclectique que symbiotique. C’est pour cette raison que le court-métrage Scenes from the Suburbs est une évolution normale et totalement prévisible venant de la part de ces surdoués de la musique indépendante. Réalisé par Spike Jonze (Being John Malcovich, Adaptation.), cet essai accompagne leur plus récent album, The Suburbs. Un album, vous l’avez deviné, concept sur la vie de banlieue et son impact sur la jeunesse.
 
Écrit par les frères Butler et Jonze, le film se concentre sur une bande d’adolescents qui erre dans les rues interchangeables et le paysage glauque de la banlieue. On fait appel à plusieurs références aux films d’Amblin, qui ont certainement défini à l’international la banlieue américaine des années 80. Par contre, la différence majeure entre la banlieue typique de Laval, Gatineau ou du Greater Toronto Area dans Scenes from the Suburbs est la présence militaire. L’armée surveille les frontières et terrorise les habitants. Personne n’est à l’abri. Cette ségrégation par rapport à la population extérieure est une quarantaine extrême, tant physique que psychologique. 
 
Plus le récit se développe, plus nous comprenons que cette séparation frontalière est une manifestation de l’état de nos auteurs. Puisque n’importe qui qui a déjà habité dans une banlieue sans un permis de conduire ou avec un mauvais système de transport en commun peut comprendre ce sentiment d’ennui. Cette isolation est profondément sentie dans la banlieue et Scenes from the Suburbs l’illustre avec brio. C’est avec ceci que Jonze fait pivoter le monde de ce petit groupe d’amis. Même si les liens sont tissés serré, il s’assure de transmettre ce sentiment que tout peut s’écrouler à tout instant.
 
L’exemple parfait de ce paradigme se forge dans l’attitude et dans les réactions d’un des personnages, Winter. De plus en plus détaché de son groupe d’amis, l’adolescent tombe dans les limbes que les frontières ont créés. Les frontières deviennent similaires à ceux entre le Mexique et les États-Unis. À la nouvelle que Winter déménage après l’été, ces amis comprennent très vite que cette décision est permanente et les empêchent ultimement de le voir. De plus, le film nous montre la finalité de cette isolation sous la forme de la famille de Winter. Son frère et sa mère sont des personnages quasi muets qui paraissent complètement déconnectés de la réalité. Revenant de la guerre, son frère – autoritaire et menaçant – semble avoir vécu un enfer inimaginable. Sa mère, pour les quelques secondes qu’on lui consacre, est figée dans une transe provoquée par cette désolation urbaine.
 
Somme toute, c’est dans cette atmosphère cynique et oppressante que l’amitié de ces adolescents est peut-être la seule source d’espoir. Malheureusement, Scenes from the Suburbs manque de temps pour explorer ce que vont devenir ces adolescents dans quelques années. Similaire à Stand by Me de Rob Reiner, on ne sent pas le besoin de voir cette évolution. On raconte un temps passé, un souvenir d’une époque marquante. On s’imagine la marque qui sera laissée sur ces personnages; pour certains, ce sera le statu quo; pour d’autres, c’est cette stagnation qui les aidera à quitter la banlieue et à devenir ce qu’ils avaient toujours rêvé d’être.
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Critique publiée le 10 février 2014.