WOCHE DER KRITIK : Les 10 ans de la Semaine de la critique de Berlin
L’équipe Infolettre   |

Lait de poule : Hell's Heroes

Par Olivier Thibodeau

HELL’S HEROES
William Wyler  |  États-Unis  |  1929  |  68 minutes

30 ans avant Ben-Hur (1959), William Wyler dirigeait cette première adaptation parlante du Three Godfathers de Peter B. Kyne, transposition du récit des Rois mages dans le Far West américain, où trois bandits secourent un Messie orphelin dans une caravane détroussée par des Indiens. Focalisant sur le caractère inhospitalier du désert limitrophe de New Jerusalem (on s’imagine le Sinaï de l’Exode), au sein duquel les cactus se profilent comme des couronnes d’épines, on assiste ici à un récit d’inspiration biblique, marqué paradoxalement par le caractère décadent du cinéma de genre pré-code. Il résulte de ce mélange singulier un objet de divertissement absolument délirant, où trois violeurs meurtriers aspirent à la rédemption en prenant le bébé sous leur aile et en acceptant de le transporter jusqu’en ville au péril de leur vie. Moult écarts de tons effarants sont au menu, entre le plan subjectif sur l’entrejambe d’une danseuse ou l’exécution sommaire d’un commis de banque et les déclamations pieuses à propos du « roi des Juifs ». On assiste même à une scène étrange où les hommes frictionnent le bébé nu à l’huile d’olive en commentant sur ses fesses « de cavalier », en route vers un climax légendaire où, dans l’absence d’un deus ex machina que le spectateur attend péniblement, le dernier des héros commet un péché mortel afin de sauver l’enfant in extremis et de le ramener à la congrégation chantante de la Nouvelle Jérusalem. S’il compte sur le talent aujourd’hui éprouvé du metteur en scène Wyler, le film bénéficie aussi du concours de l’honorable producteur Carl Laemmle, homme fort de la Universal, responsable de 940 productions entre 1909 et 1929. Bourreau de travail, comme les autres David O. Selznick et Louis B. Mayer de l’Âge d’Or hollywoodien, Laemmle fait preuve ici d’une grande efficacité, agrémentant sa production d’un souffle épique et tempétueux, évident dans quelques scènes d’action enlevantes impliquant un corbillard hippomobile, exposé encore aujourd’hui dans le musée de la ville-fantôme de Bodie. 

 

Envoyer par courriel  envoyer par courriel  imprimer cette critique  imprimer 
Article publié le 21 décembre 2021.
 

Rétrospectives


>> retour à l'index