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Le centenaire d’Akira Kurosawa

Par Mathieu Li-Goyette
« Je suis un faiseur de films; les films sont mon véritable moyen d’expression. […] [Et] bien que les êtres humains soient incapables de parler d’eux-mêmes avec une totale honnêteté, il leur est beaucoup plus difficile de se dérober à la vérité quand ils jouent à être un autre. Ils en disent alors beaucoup plus sur eux-mêmes, d’une façon très directe. Rien n’en révèle alors plus sur son créateur, que l’oeuvre elle-même. » – Akira Kurosawa dans Comme une autobiographie, p. 211

C’est à l’occasion de la rétrospective du Cinéma Du Parc sur le centenaire d’Akira Kurosawa que Panorama-cinéma consacrera nombreux de ses textes à venir sur l’oeuvre du cinéaste. Ayant, pour notre part, récemment oeuvré à la rédaction d’un premier volume imprimé traitant du cinéma d’après-guerre japonais où il trouvait une place de choix, le Cinéma Du Parc et son généreux propriétaire Roland Smith nous ont embarqués dans le navire de la croisière A.K.. Une traversée qui s’échelonnera tous le mois d’août jusqu’au 2 septembre et qui fera escale chez 25 des 32 oeuvres réalisées par le réalisateur entre 1943 et 1993, soit 50 ans de cinéma. Et en incluant le documentaire sur le tournage de Ran de Chris Marker, la rétrospective s’annonce des plus intéressantes.

C’est aussi dans le cadre de cette rétrospective que notre volume sera mis en vente pour la première fois depuis son lancement au Festival Fantasia. Disponible au comptoir près des salles, il se détaillera au modeste prix de 25$ (taxes incluses) pour un nombre total de 400 pages de textes, analyses, critiques et entrevues. Pour l’occasion, c’est aussi la télévision nationale de Radio-Canada ainsi que TVA qui nous ont récemment invités à parler, sur les heures de grande écoute, de l’oeuvre du maître. Nous voudrions ici les remercier pour leur ouverture face au sujet et à l’inclusion de la critique de cinéma en général qui, à notre humble avis, n’est que trop peu représentée dans les grands médias. À eux et à Roland Smith vont nos remerciements les plus sincères.

Aujourd’hui même, la commémoration de la 65e année depuis le bombardement de la ville d’Hiroshima vient, symboliquement, ouvrir le cycle aux allures de festival sur l’un des grands conteurs du septième art ou, du moins, son conteur le plus influent. Ayant touché les coeurs de partout jusqu’à ceux de Spielberg, Lucas, Coppola et comparses, l’oeuvre de celui que l’on nomma l’empereur du cinéma japonais est essentielle à la compréhension du cinéma d’aventure contemporain et à la construction de la figure du héros tel que nous le connaissons aujourd’hui. Peu de films ne lui doivent pas nombre de leurs innovations et de leur génie créatif.

Artiste immense à la vision rarement égalée, sinon par son mentor Ford ou ses successeurs populaires (Spielberg) ou contemplatifs (Tarkovski), la beauté de Kurosawa et son attrait indémodable est de contenir à lui seul une grande partie du patrimoine cinématographique mondial. Du film d’auteur au film de genre, ces notions se flouent chez lui jusqu’au point où le suffixe s’efface, ne laissant derrière lui que « film », ou plutôt « récit », élément primaire d’un homme concentré sur l’art de raconter et non d’expérimenter, de nous redire au XXe siècle, peu après le cataclysme ayant frappé son pays en 1945, que l’être humain devait de nouveau être le vecteur fondamental des efforts et des espoirs de notre espèce.

Conclusion à l’eau de rose diront certains, ce qui était d’humaniste chez lui était cette conviction, voire cette foi en un avenir meilleur qui, de plan en plan, est capté ou défié par son sens de la mise en scène. Akira Kurosawa n’est pas seulement l’un des titans auxquels il faut se confronter absolument, il est aussi, et surtout, l’un des grands piliers de la culture du Japon et de celle du monde. Un homme nanti d’un talent phénoménal et celui qui, dans Rashômon en 1950, évoquait que l’image, donc le cinéma, pouvait mentir. Un homme qui, dans les Sept samouraïs en 1954, dilatait la structure classique pour la faire atteindre plus de 3h30 et donner une leçon de narration et de tempo qui, depuis, perdure comme l’exemple par excellence de l’aventure sur grand écran. Un homme qui, avec Dodes’ka-den (1970), Derzou Ouzala (1975) ou Kagemusha (1980), a réaffirmé le pouvoir d’évocation de ses images composées comme si, dès l’arrivée de la couleur, il s’était aussitôt mis à jouer au peintre. Un homme qui, d’Un merveilleux dimanche (1947) à Ikiru (1952), a su et saura émouvoir pendant encore un autre siècle le coeur des spectateurs et titiller la fibre des plus exigeants cinéphiles.

Du 6 août au 2 septembre 2010 au Cinéma Du Parc.
Pour de plus amples informations, visitez le site officiel du Cinéma Du Parc.
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Article publié le 6 août 2010.
 

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