A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

GOLDFINGER (1964)
Guy Hamilton

Par Jean-François Vandeuren

L’évolution des aventures de l’agent 007 au cinéma s’apparente étrangement au cheminement classique d’un artiste oeuvrant dans le domaine de la musique. Le premier opus présente une formule attrayante devant réunir quelques fidèles autour d’un morceau de musique bien ficelé tout en laissant quelques atouts volontairement en suspend dans le but de forcer l’auditoire à réclamer un second tour de piste. La deuxième galette doit alors renforcer les bases déjà acquises tout en élargissant leurs horizons sur des éléments mieux définis et en imposant une dynamique élaborée avec beaucoup plus d’assurance et un goût marqué pour l’expérimentation. Au troisième album, la chair a trouvé place autour de l’os. Dans plusieurs cas, le compositeur accouche de son œuvre la plus aboutie, celle avec laquelle chaque nouvelle pièce de son répertoire sera inévitablement comparée. Dans le cas de la série James Bond, c’est le Goldfinger de Guy Hamilton qui a l’honneur de remplir cette fonction depuis maintenant plus de quarante ans.

Alors que From Russia With Love préparait le terrain pour ce qui allait devenir pendant quelques années un affrontement répété entre James Bond et les membres du SPECTRE, Goldfinger abandonne complètement cette prémisse l’espace d’un film pour opposer l’agent secret à Auric Goldfinger, un richissime homme d’affaire qui a une fixation maladive sur l’or. Si les entreprises de ce dernier semblent tout à fait légitimes, le gouvernement britannique croit que celles-ci servent en fait de façade à une organisation se spécialisant dans le trafic de ce précieux métal. Bond devra donc voir de quoi il en retourne et, bien entendu, déjouer les plans de Goldfinger. L’agent 007 découvrira toutefois en cours de route que le malfrat est également le maître d’œuvre d’un plan machiavélique dont la réussite aurait assurément des effets catastrophiques sur l’économie mondiale.

Au départ, les producteurs de la série prirent un risque considérable en décidant de changer de cap alors que la franchise était sur une lancée commerciale et artistique. Le réalisateur d’origine française Guy Hamilton trouva une façon d’autant plus inusitée de le faire en accordant beaucoup moins d’importance à son personnage principal pour se concentrer davantage sur les manigances de son nouvel ennemi. L’agent 007 se retrouve ainsi prisonnier d’une manière ou d’une autre des griffes de Goldfinger durant la majeure partie du film alors que rien ne semble lui réussir, si ce n’est que d’éliminer de façon toujours aussi aléatoire quelques hommes de main du brigand dans le feu de l’action. Pour la première fois de l’histoire de la jeune série, le récit nous présente un criminel dont les préoccupations sont purement d’ordre économique. Il est évidemment question une fois de plus de domination mondiale, mais les moyens employés par les antagonistes pour arriver à leurs fins se veulent, dans la dynamique du genre, beaucoup plus réalistes et diffèrent du simple vol dont l’or est ordinairement l’objet au cinéma.

Comme Terence Young avant lui, Hamilton appuie également son film d’une bonne dose d’humour en récupérant tous les artifices et les improbabilités que la série a déjà bien installés dans l’imaginaire collectif. Goldfinger déploie ainsi son artillerie composée de l'incomparable Aston Martin DB5, d’un valet capable de vous briser la nuque en vous lançant un chapeau, d’un escadron de pilotes professionnelles campées par des mannequins toujours impeccablement coiffées et, bien entendu, du charme légendaire d’un Bond pour qui ramener une femme corrompue par l’appât du gain dans le droit chemin est un vrai jeu d’enfant. Ces éléments sont intégrés d’une manière à la fois modeste et légèrement tape-à-l’œil aux rouages d’une intrigue qui, heureusement, ne fut pas autant prise à la légère. La réalisation de Guy Hamilton permet également à la franchise de quitter le modèle d’essais et d’erreurs de Dr. No ou celui plus sobre de From Russia With Love pour acquérir toute la force d’un divertissement à grand déploiement à laquelle aspirait la série tout en demeurant particulièrement terre-à-terre. Pour sa part, Sean Connery excelle une fois de plus dans la peau d’un personnage aussi froid que charismatique qui continue de foncer tête première avec un détachement souvent irrationnel.

Si Terence Young mit sur pied les fondements autour desquels allait graviter pratiquement chaque nouvelle aventure de James Bond pour les quarante années à venir, Guy Hamilton, en l’espace d’un seul film, les solidifia et les ancra définitivement dans la culture populaire. Certains effets visuels ont évidemment pris un coup de vieux avec les années. Mais plutôt que de réellement nuire à l’expérience, ceux-ci ajoutent désormais une touche de candeur à un film dont la mise en scène ne flirte jamais plus qu’il ne le faut avec la réalité. De toute façon, ce ne sont aucunement pour ces séquences que le film de Guy Hamilton devint avec le temps l’un des épisodes les plus acclamés de l’histoire de la franchise, mais bien pour son scénario d’une redoutable intelligence qui en inspira plusieurs autres par la suite, dont celui du The World is Not Enough de Michael Apted, et son minutieux dosage entre scènes d’action trépidantes et le développement d’une intrigue soigneusement fignolée et de personnages aux traits plus grands que nature.




Version française : Goldfinger
Scénario : Richard Maibaum, Paul Dehn, Ian Fleming (roman)
Distribution : Sean Connery, Honor Blackman, Gert Fröbe, Shirley Eaton
Durée : 112 minutes
Origine : Royaume-Uni, États-Unis

Publiée le : 5 Janvier 2007