A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

ZELIG (1983)
Woody Allen

Par Alexandre Fontaine Rousseau

La critique la plus commune adressée à l'égard de Woody Allen est qu'il refait prétendument le même film coup sur coup, modifiant quelques détails insignifiants pour chaque nouvelle sortie. Il y a certes un fond de vérité à cela. New York n'est jamais bien loin dans le portrait, Freud a fort souvent son mot à dire quelque part dans l'histoire et le personnage de névrosé à lunette qu'interprète Allen semble fort souvent confronter les mêmes problèmes ainsi que les mêmes actrices. On pourrait aussi accuser Bergman de se répéter en faisant toujours de longs films lents, critiquer la propension à l'onirisme et à la nostalgie de Fellini et trouver que Kurosawa abuse de notre patience et de Toshiro Mifune avec ses innombrables histoires de samouraïs. On peut ne pas aimer Allen, mais l'accuser de n'avoir jamais eu quoi que ce soit de neuf à dire revient à rejeter le concept d'unité stylistique et de griffe personnelle d'un seul geste insensé. Qui plus est, bien bête est celui qui déclarera que Zelig n'est qu'un vulgaire clone d'Annie Hall.

En fait, Zelig est vraiment dans une classe à part au sein de la filmographie du célèbre cinéaste new-yorkais. Manhattan et Annie Hall demeurent de toute évidence les meilleurs films de Woody Allen, mais ce faux documentaire sur la vie de l'homme-chaméléon Leonard Zelig (Woody Allen, bien entendu) est sans l'ombre d'un doute son plus original et son plus inventif. Relatant à l'aide d'images d'archives authentiques, fabriquées ou trafiquées la vie d'une légende oubliée de l'Amérique des années 20, Zelig brouille avec un plaisir tangible la ligne entre la réalité et l'imaginaire. Ce faisant, Allen concocte une oeuvre sensible, intelligente et surtout très drôle sur le conformisme.

Car Zelig souffre d'un étrange trouble mental qui lui permet de devenir à sa guise ce qui l'entoure. Cette capacité de transformation à la fois formidable et pathétique découle de sa crainte viscérale de l'exclusion, d'un désir absolu de se fondre dans le décor et de plaire à tous. Son cas fascinera l'Amérique et intéressera tout particulièrement une jeune psychologue (Mia Farrow) convaincue qu'elle peut soigner cet étrange phénomène et lui restituer son identité. Voilà une prémisse riche et fort comique qu'un montage ingénieux de même qu'un habile sens du pastiche rendent éminemment crédible. Tout y est pour créer l'illusion de véracité, des témoignages contemporains aux documents d'époque en passant par une intelligente intégration de ces évènements fictifs à des éléments historiques clés tels que la montée du fascisme et le krach boursier de 1929.

Toutefois, Zelig est plus qu'un savant tour de passe-passe visuel et formel. Certes, les trucages franchement réussis y sont de toute évidence pour quelque chose dans la réussite du film. Mais Zelig est d'abord et avant tout une merveilleuse comédie typiquement allenienne où s'enchainent les bons jeux de mots et d'esprit ainsi que les observations tendres et absurdes. Rarement le duo Allen/Farrow a-t-il été aussi à l'aise à l'écran, celle-ci s'avérant particulièrement nuancée dans le rôle d'Eudora Fletcher.

En tout et pour tout, ce douzième film d'Allen à titre de réalisateur s'inscrit aisément parmi les cinq meilleurs de sa filmographie et demeure encore aujourd'hui l'une des plus amusantes comédies de l'histoire à avoir mimé l'approche documentaire. C'est un exercice que le New-yorkais tentera en quelque sorte une seconde fois, une quinzaine d'années plus tard, avec le Sweet and Lowdown de 1999 sans pour autant égaler le charme infini de cette première expérience. Bijou parfois oublié de la riche filmographie d'Allen, Zelig demeure un incontournable de l'humour américain moderne à l'écran.




Version française : Zelig
Scénario : Woody Allen
Distribution : Woody Allen, Mia Farrow, John Buckwalter, Patrick Horgan
Durée : 79 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 4 Août 2005