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WONDERLAND (1999)
Michael Winterbottom

Par Jean-François Vandeuren

La sortie d’un film choral aux États-Unis signifie souvent deux choses : un candidat potentiel pour la prochaine cérémonie des Oscars et un effort d’une durée d’au moins trois heures. Les deux essais les plus connus des dernières années demeurent l’habile, mais infidèle, Short Cuts de Robert Altman, et l’extraordinaire Magnolia de Paul Thomas Anderson. Il ne s’agit évidemment pas des opus les plus faciles à orchestrer, mais si appuyé d'un foudroyant sens du rythme à l'intérieur d’une mise en scène tout aussi léchée, l’initiative peut mener à des résultats de grande envergure. Pour sa part, le prolifique cinéaste britannique Michael Winterbottom ajouta ce sous-genre à une carte de compétence déjà fort impressionnante par le biais d’un film d’une durée beaucoup plus raisonnable, et donc plus accessible, conférant du coup à ce Wonderland un ton épisodique savamment assimilé. Comme pour la plupart des films du genre, l’effort de Winterbottom s’échelonne sur une durée de quelques jours au cours desquels une gamme volumineuse de personnages doivent faire face à certaines difficultés de la vie. Certaines mineurs, d’autres beaucoup plus sérieuses.

Dans Wonderland, Michael Winterbottom et la scénariste française Laurence Coriat nous présentent les membres d’une famille britannique et les individus qu’ils côtoient sur une base quotidienne. Le duo s’intéresse principalement au cas de trois sœurs : l’une est célibataire et désespérée de rencontrer quelqu’un, la seconde est sur le point d’avoir un enfant, et la troisième est mère monoparentale depuis un bon moment déjà. Coriat s’illustre dans ce cas-ci de par la façon dont elle traite le cheminement émotionnel de ses personnages, en particulier ceux se dirigeant vers une profonde crise existentielle. Mais la scénariste ne cherche par contre jamais à mettre l’emphase sur le passé de ces derniers. À l’opposée, Coriat et Winterbottom s’introduisent incognito dans la vie respective de leurs protagonistes pour nous faire connaître leurs déceptions et leurs craintes, lesquelles prirent forme bien avant le début du film. Les deux cinéastes font évidemment énormément confiance à la magie du cinéma pour faire basculer autant d’existences en un laps de temps aussi court et à l’intérieur d’une même famille. L’effort évite heureusement la surcharge qui aurait pu mener à l’invraisemblance la plus agaçante en mettant en scène des sources de frustration du quotidien, dont la plupart n’ont rien d’exceptionnel en soi, mais deviennent effectives lorsque regroupées en un tout.

Ce point met d’ailleurs en évidence l’une des plus grandes qualités de metteur en scène de Winterbottom. Le cinéaste britannique nous avait déjà habitués à quelques œuvres dans lesquelles le rythme effréné du récit contribuait largement à l’efficacité dramatique de sa mise en scène. Ce dernier compte d’autant plus, dans ce cas-ci, sur un montage visuel et sonore enchaînant parfaitement chaque segment de l’histoire qui nous est racontée. Winterbottom utilise également avec aplomb quelques accélérations superbement introduites et la trame sonore signée Michael Nyman comme facteur de raccords, surtout lors de montées dramatiques, lesquelles deviennent du coup particulièrement enivrantes. Malgré tout, d’un point de vue technique, nous n'avons pas affaire ici au Michael Winterbottom des grandes occasions. Son approche minimaliste au possible dans Wonderland se retrouve à des années lumières des sublimes esquisses de Code 46 et de The Claim. Le tout fut d’ailleurs filmé à l’aide d’une caméra à l’épaule et révèle une qualité d’image pour le moins déficiente, dissimulant une direction photo qui n’a rien d’exceptionnel de toute façon. Ce manque sur le plan esthétique est principalement dû à l’horaire très chargé lors des journées de tournage et au budget plutôt restreint mis à la disposition du cinéaste et de son équipe. Mais quoique l’on puisse en dire, cette facture visuelle s’affiche étrangement comme la plus appropriée pour servir les rouages de Wonderland et en dégager tout le naturel et le plus important, la sincérité.

Cette approche plus modeste ne sera d’ailleurs pas abandonnée après coup par le réalisateur britannique. Celle-ci servira par la suite à bien meilleur escient autant l’allure complètement déjantée de son stimulant 24 Hour Party People que les élans on ne peut plus explicites du controversé 9 Songs. Sans être un effort aussi accompli et calculé que le Magnolia de P.T. Anderson, Wonderland révèle néanmoins, sous son omniprésente mélancolie, un hymne à la vie tout ce qu’il y a de plus vivifiant. Comme quoi chaque difficulté que nous rencontrons dans notre quotidien servirait à nous faire apprécier pleinement le meilleur de la vie par la suite... Pas de panique, Winterbottom ne tente pas de faire de ce septième long-métrage un pamphlet naïf à propos de l’importance de l’optimisme dans la vie de tous les jours. Le réalisateur s’évertue plutôt à dissimuler ce propos dans l’état d’errance et d’incertitude de protagonistes finalement sur le point de connaître des jours meilleurs. À cet effet, plusieurs éléments du film ne sont pas complétés ou résolus. Car même si suggérée, la suite des événements ne se produira vraisemblablement pas sur un écran de cinéma.




Version française : Wonderland
Scénario : Laurence Coriat
Distribution : Shirley Henderson, Gina McKee, Molly Parker, Ian Hart, John Simm
Durée : 108 minutes
Origine : Royaume-Uni

Publiée le : 21 Mai 2006