THE WEATHER UNDERGROUND (2002)
Sam Green
Bill Siegel

Par Alexandre Fontaine Rousseau

S'il est facile, et probablement justifié, de rejeter du revers de la main une bonne partie de la fameuse contre-culture américaine des années 60 comme étant une simple excuse pour transformer une grosse fête nourrie au sexe et au LSD en courant pseudo-révolutionnaire, The Weather Underground s'avère une intéressante remise en question de cette perception. En suivant le parcours des factions plus radicales du mouvement anti-guerre étudiant de l'époque, le documentaire de Sam Green et de Bill Siegel présente une facette souvent gardée sous silence de cette époque tumultueuse de l'histoire américaine sans tomber dans la glorification aveugle ou dans la condamnation facile des gestes commis par les Weathermen, une division terroriste du SDS. En fait, le film s'avère une fascinante réflexion sur les limites morales de l'activisme, appuyée par des témoignages éloquents de plusieurs membres importants de cette organisation révolutionnaire.

De plus, le film de Green et Siegel dresse un portrait fort détaillé de l'époque à l'aide d'excellents documents d'archives montés avec un sens remarquable de la narration. Il n'est pas surprenant que The Weather Underground ait été mis en nomination pour l'Oscar du meilleur documentaire. Documentaire dont le thème s'avère d'une grande actualité, c'est aussi pour plusieurs une occasion de développer une meilleure compréhension d'une période complexe de l'histoire américaine. Subdivision plus sérieuse de la gauche étudiante des années 60, le groupe des Weathermen fut surtout actif dans la première moitié des années 70, une période durant laquelle ses membres posèrent un nombre important de bombes dans le but de dénoncer les injustices viscérales du système américain, l'implication du gouvernement au Vietnam ainsi que sa politique étrangère détestable. Tout d'abord ridiculisés par les Black Panthers et marginalisés par le FBI, les Weathermen deviendront finalement les alliés des uns et l'objet d'une chasse à l'homme majeure dirigée par l'organisation gouvernementale.

The Weather Underground est un film captivant non seulement parce qu'il raconte son histoire à un rythme impeccable mais, surtout, parce qu'il explore toutes les ramifications de l'implication sérieuse à un tel combat sans faire de compromis. Si les ex-Weathermen qui ont bien voulu se prêter au jeu de l'entrevue sont prêts à remettre en question les méthodes qu'ils ont employé et la perception qu'ils ont eu de la valeur d'une vie humaine à cette époque, ils n'hésitent pas à déclarer que leur cause était juste et qu'ils y croient encore. Les réalisateurs, pour leur part, n'hésitent pas non plus à aller voir des gens qui ne partagent pas l'opinion de nos révolutionnaires à la retraite, comme un agent du FBI chargé de démanteler l'organisation ou un ancien membre du SDS qui refusa de suivre ses camarades dans leurs actions plus extrêmes. En alternant intelligemment entre le passé et le présent, Green et Siegel arrivent à ranimer l'esprit de ces individus dans le feu de l'action tout en offrant leur perception de ces gestes avec le recul.

Il en découle un film intelligent et articulé qui décortique avec un grand raffinement l'évolution psychologique d'individus qui étaient à un certain point de leur vie prêts à tuer des innocents au nom d'une cause. Ce faisant, le film tente de définir la frontière entre l'activisme et le terrorisme tout en se permettant d'encourager subtilement une nouvelle génération à agir en tenant compte des erreurs de la génération précédente d'opposants au régime. C'est une mission noble et complexe dont le duo s'acquitte remarquablement bien.

Si la réaction complaisante de la jeunesse américaine à la guerre en Irak et à l'hypocrisie du régime Bush a de quoi surprendre, on peut à tout le moins déclarer sans trop se tromper que l'état actuel du monde a permis de redorer le blason du documentaire. Genre en plein renouveau attirant un public de plus en plus large grâce à la pléthore d'excellents films tels que celui-ci parus dans les dernières années, le documentaire est plus pertinent que jamais. Avec The Weather Underground, Sam Green et Bill Siegel ont frappé un filon fascinant et l'exploitent avec dextérité. Quiconque s'intéresse aux mécanismes de la pensée révolutionnaire se doit de voir leur film.