TROUBLE (2005)
Harry Cleven

Par Alexandre Fontaine Rousseau

C'est en fin de parcours qu'un thriller s'affirme ou s'effondre. Les vingt dernières minutes d'un suspense s'avèrent non seulement les plus cruciales mais aussi les plus difficiles à réussir de tout le film. Capter l'attention des spectateurs grâce à une mise en situation intrigante n'a rien de trop sorcier. Cultiver la tension et brouiller les pistes tout au long du parcours suivant l'étincelle initiale vient tout naturellement. Mais si la conclusion n'est pas à la hauteur, le spectateur quitte avec raison la salle torturé par l'impression de s'être bien fait avoir. Récipiendaire du prix du jury au dernier Festival du Film Fantastique de Gérardmer, Trouble du réalisateur belge Harry Cleven s'avère une anomalie dans la programmation de Fantasia 2005 de par le simple fait que ce ne soit pas un film d'horreur asiatique. Mais cette exclusivité n'en fait pas nécessairement un film particulièrement unique. Du Sisters de Brian De Palma au Dead Ringers de Cronenberg en passant par les récentes Rivières pourpres de Mathieu Kassovitz, infiniment nombreux sont les suspenses à avoir exploité le thème des jumeaux comme principal pivot narratif ou comme solution facile aux lacunes d'un scénario déficient.

Par conséquent, on se présente devant ce petit nouveau du bloc le cerveau débordant de points de comparaisons difficiles à mettre de côté. C'est tout à l'honneur du film de Cleven qu'il arrive durant une bonne partie de la projection à nous faire oublier ses remarquables prédécesseurs. Toutefois, les choses deviennent pour le moins ambigües (c'est le cas de le dire) dans les derniers miles, alors que le pivot final vient détourner un scénario jusqu'alors plutôt bien ficelé dans une direction quelque peu biscornue. Certes, le traitement demeure l'élément clé d'un film bien exécuté et, à ce niveau, Trouble ne déçoit pas. Mis en image de façon inspirée par Vincent Mathias, appuyé par une bande sonore abstraite inquiétante à souhait signée Nicolas Provost et réalisée avec assurance par Cleven, le film semble partir dans la bonne voie.

Comme dans bien des histoires qui n'ont pas encore eu lieu, Matyas (Benoît Magimel) semble mener une vie parfaite dans le bonheur et l'harmonie. Il aime sa femme (Natasha Régnier) de laquelle il a déjà un enfant souriant, et s'attend d'un moment à l'autre à en accueillir un second qui sera probablement tout aussi heureux que ne l'est toute cette belle petite famille. Mais comme on ne fait pas de films à propos des gens sans histoire, une épée de Damoclès flotte au-dessus de ce beau portrait et n'attend que le moment opportun pour être libérée. Le même jour, Matyas apprend que sa mère qu'il n'a jamais connu est morte et qu'il a un frère jumeau du nom de Thomas. Pour Mathyas, le choc est énorme... D'autant plus que Thomas agit de façon de plus en plus étrange tout en s'intégrant de mieux en mieux à la cellule familiale.

Somme toute, Trouble n'apporte rien de neuf au cinéma gémellaire dont la consécration ultime demeure le troublant opus de Cronenberg paru en 1988. Il procure toutefois plusieurs moments d'angoisses et d'intrigues qui, s'ils avaient été couronnés par une fin satisfaisante, auraient pu se concrétiser en un thriller satisfaisant. Mais l'édifice s'écroule sous le poids de ses effets convenus et souffre d'un dernier revirement tellement absurde et mal amené que l'on arrive en rétrospective difficilement à pardonner à Cleven son manque d'imagination. Pour sa part, Benoît Magimel livre une double prestation trop monochrome pour tenir le film sur ses épaules.

Trouble n'est pas déplaisant mais on quitte la salle peu satisfait. Film de surface qui ne réinvente en rien un genre déjà très bien représenté, le quatrième long-métrage pour le cinéma d'Harry Cleven ne laisse aucune impression à long terme sinon celle de n'avoir rien de bien neuf à dire. Comme thriller, on a déjà vu bien pire. Mais le problème c'est qu'on en a vu beaucoup. Trop pour épingler une mention d'honneur particulière à celui-ci...