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THE TRIPPER (2007)
David Arquette

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Laissé pour compte à la fin des années 80, puis systématiquement décortiqué par la trilogie des Scream de Wes Craven durant la seconde moitié des années 90, le slasher semble actuellement vivre - à petite échelle - une authentique résurgence. Longtemps considéré comme un maillon faible de la pyramide de l'horreur, le genre a vu son blason redoré par quelques essais ingénieux tels que le Behind the Mask: The Rise of Leslie Vernon de l'an passé. L'amusant faux documentaire de Scott Glosserman disséquait avec affection et intelligence des conventions que The Tripper, premier long-métrage signé par l'acteur David Arquette à titre de réalisateur, applique pour sa part avec une révérence qui fera sourire les amateurs. Mais, au contraire de Hatchet, autre slasher récent revendiquant avec fierté son appartenance aux racines du genre, The Tripper ne se contente pas de reproduire la forme très classique des films dont il s'inspire. Avec l'aide du monteur attitré de Rob Zombie, l'étonnant Glenn Garland, Arquette sert son hommage trash à la sauce psychédélique: l'expérience tient pour ainsi dire du « badtrip » mis en images, alors qu'une bande de hippies gavés aux psychotropes voit sa fin de semaine de paix et d'amour compromise par la présence dans les bois qu'elle fréquente d'un maniaque meurtrier affublé d'un déguisement de Ronald Reagan. Malheureusement, l'exécution n'est jamais à la hauteur de ce synopsis prometteur et The Tripper, quoiqu'amusant, ne dépasse à aucune occasion nos attentes.

De bonnes raisons motivent la disgrâce du genre slasher: ses protagonistes ont la fâcheuse habitude d'être idiots, sa trame narrative simpliste mène inévitablement aux redondances et une lecture assidue de sa symbolique transparente confirme invariablement la présence de références aux rites de passage de l'adolescence. Sur ce dernier point, Arquette mérite d'être félicité. Son premier film dévie le genre de ses préoccupations habituelles pour conférer un second degré politique à une boucherie autrement plutôt conventionnelle: il met en effet en scène un tueur libéré par les mesures de désengagement étatiques du notoire président américain dont il recycle l'image. Le sérieux de cette forme de contestation sociale est bien entendu discutable, d'autant plus que la horde de hippies est massacrée justement parce qu'elle refuse d'obéir aux figures d'autorité du film. Le subconscient mou du libéralisme américain est exposé par ce détail du scénario, mais The Tripper demeure truffé de répliques pointues s'amusant avec un certain flair aux dépends des plus risibles doctrines républicaines. « Is this what you call compassionate conservatism? », commente un policier au sujet des frasques sanglantes du président maudit.

L'association des visées politiques d'Arquette au code moral rigide du slasher, suivi à la lettre, est au mieux précaire. Néanmoins, les amateurs sont au rendez-vous pour assister à un spectacle violent, ici fort consistant. The Tripper a tout pour plaire aux puristes. Les effets gore, réalisés à l'ancienne, ne manquent pas de culot et le film est tourné sur une pellicule 35mm torturée de toutes les manières possibles. Reprenant certains des accents plus acidulés de son travail sur le convaincant Devil's Rejects de Rob Zombie, Garland multiplie les effets à saveur hallucinogène avec un succès mitigé. Son esthétique verse parfois du côté du vidéoclip, le chaos des situations imaginées par Arquette justifiant tout de même ces débordements formels. Ce style vif et excessif confère toutefois un certain rythme à l'affaire, qui dévale à tombeau ouvert d'un meurtre à l'autre sans souffrir de temps morts notables. Impossible de nier le sentiment d'urgence qui se dégage de ce film, tourné avec un budget limité en l'espace de 21 jours: The Tripper est frénétique, souvent sauvage, et impitoyable.

Premier film oblige, le travail d'écriture laisse tout de même en bouche un arrière-goût de formule qu'il est difficile d'oublier complètement. Outre la présence de personnages peu dégourdis empruntés au slasher moyen, The Tripper repose ainsi sur le modèle perfectionné par Jaws en 1975: l'enjeu principal du récit est l'argent, ce que souligne le dernier plan du film, et c'est le refus motivé par l'appât du gain d'annuler un événement financièrement profitable qui aura en bout de ligne de funestes conséquences. Le personnage de promoteur avare interprété par Paul Reubens représente ainsi l'institutionnalisation et, par extension, la corruption des valeurs d'une contre-culture aujourd'hui assimilée au mode de vie américain. L'ex Pee-Wee Herman n'est pas le seul bon coup d'une distribution éclectique: Jason Mewes, le Jay de Kevin Smith, reprend sous un autre nom son rôle de perpétuel intoxiqué tandis que Thomas Jane s'avère convaincant en shérif dur à cuire de service. Bref, s'il n'évite pas les écueils du genre, David Arquette signe donc avec The Tripper une amusante variation sur des thèmes connus, assaisonnée d'une poignée de gags inspirés. Avec un peu plus d'expérience, peut-être sera-t-il en mesure de pondre une oeuvre totalement satisfaisante? En attendant, il se contente avec The Tripper de satisfaire nos bas instincts en courtisant nos valeurs libérales. On a vu pire.




Version française : -
Scénario : David Arquette, Joe Harris
Distribution : Jaime King, Lukas Haas, Jason Mewes, Thomas Jane
Durée : 93 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 17 Juillet 2007