A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

TIRESIA (2003)
Bertrand Bonello

Par Chamsi Dib

C’est un troisième long métrage, après Quelque chose d’organique et Le Pornographe, pour le réalisateur français installé à Montréal depuis peu. Tiresia transpose le mythe grec de Tirésias de manière contemporaine et cela à travers le christianisme. Selon une des légendes, Tirésias, fils d’Evérès et de la nymphe Chariclo, devient femme après avoir tué la femelle d’un couple de serpent qui s’accouplait. Sept ans plus tard, il revit un couple et en tua le mâle et Tirésias redevint un homme. Un jour, Zeus et sa femme Héra argumentaient sur le fait de savoir qui, de l’homme ou de la femme, avait le plus de plaisir lors d’ébats amoureux. Ils demandèrent à Tirésias, étant donné qu’il avait expérimenté les deux sexes. Tirésias répondit que le plaisir de la femme était neuf fois plus intense que celui de l’homme. Héra, mécontente, le punit en lui infligeant la cécité. Zeus compensa en offrant à Tirésias le don de clairvoyance ainsi que la compréhension du langage des oiseaux. L’oracle pratiquera son don dans sa maison et il sera aidé par un adolescent.

Dans le film, Tiresia est un transsexuel prostitué brésilien qui pratique son art dans la clandestinité dans le Bois de Boulogne de Paris. Un jour, Terranova ira chercher Tiresia pour l’emmener chez elle où il l’enfermera dans une chambre, prétextant que maintenant elle lui appartient. Son corps se mettra à ressembler à celui d’un homme, car Tiresia ne prend plus d’hormones. Terranova, incapable de l’aider, lui crèvera les yeux et l’abandonnera à la campagne. S’amorce ici la deuxième partie du film où Tiresia redevient un homme et où une autre opposition prend forme (après homme/femme), celle de la lumière/noirceur, car depuis le début du film, on est plongé dans le noir. Recueilli par une jeune adolescente qui le soignera, Tiresia commencera à prédire les événements des gens et plusieurs personnes viendront de loin pour le voir. L’église du coin commencera à s’inquiéter à propos de la prophétie et le curé ira voir Tiresia.

Dans une poésie forcée, Bonello emporte son public dans un certain absolu dès les premiers plans du film : des gros plans de magma en pleine effervescence qui jaillissent dans tous les sens. S’en suit une image de Tiresia dénudée. On est dans la contemplation et dans la poésie qui apporte un autre sens à l’image et non seulement pour l’ouverture, mais ceci est valable pour le reste du film. On est plongé ensuite dans le monde solitaire de Terranova et des transsexuels. Bonello offre un parcours, parfois gratuit par une certaine violence psychologique, ainsi que des motivations des personnages non présentés. Par la transposition du mythe, on sent cette gratuité inexpliquée et mal ficelée. Le film est aussi dans une temporalité perdue, non pas en espace-temps, mais comme si la poésie mettait le temps hors du film. Cependant, on sait que ce sont les années 2000 et la notion de temps est explicitée à travers les mots des dialogues et de la transformation de Tiresia. C’est un point fort de pouvoir situer l’espace-temps tout en le mettant hors temps. C’est ici une autre opposition : temps et hors temps, si on peut s’exprimer ainsi.

Le film, malgré quelques erreurs scénaristiques, tente de faire voir l’autre côté de tous les thèmes abordés (sexe, transsexualisme, mythe, prophétie, violence, etc.) à travers une poésie où l’ambiance est inquiétante et sombre. On en sort quelque peu bouleversé par tous les questionnements qu’il suscite, surtout par une fin étonnante. Bref, Tiresia, dans une lenteur et une froideur, offre une esthétique dualiste qui propose une avenue différente pour questionner la transsexualité où les paradoxes finissent par se rencontrer.




Version française : -
Scénario : Bertrand Bonello
Distribution : Laurent Lucas, Clara Choveaux, Thiago Telès, Célia Catalifo
Durée : 117 minutes
Origine : France

Publiée le : 5 Janvier 2004