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SUSPIRIA (1977)
Dario Argento

Par Jean-François Vandeuren

Au cinéma comme pour n’importe quelle autre forme artistique, l’importance véritable d’une œuvre par rapport à un mouvement particulier ne se révèle bien souvent que plusieurs années plus tard alors que chacun des éléments de marque se sont tous mis en place pour être favorablement pris en perspective par les intéressés. L’opus Suspiria, comme bien d’autres films datant des débuts du cinéaste italien Dario Argento, témoigne d’une époque bien précise et reflète cette véritable Renaissance qu’a vécu le cinéma fantastique et d’horreur au fil des années 70. Son œuvre appartient en soi au fruit d’une amorce datant de la fin de la décennie précédente où par exemple neuf ans plus tard le film d’Argento vient emprunter quelques éléments du scénario du Rosemary’s Baby de Roman Polanski. Les assoiffés laissé pour contre par un genre abandonné entre des mains peu habiles se doivent d’y jeter un coup d’œil.

Les comparaisons les plus importantes entre l’opus d’Argento et le film de Polanski se confondent à la base de l’écriture de Suspiria. Le film du réalisateur italien exploite plus explicitement l’idée d’une atmosphère teintée d’une paranoïa palpable face à l’idée d’un complot et d’une thématique surnaturelle dans cette histoire où une jeune femme fraichement arrivée dans une école de ballet réputée commencera avec l’une de ses comparses à suspecter la présence de sorcellerie dans une série de meurtres bizarres se produisant depuis peu dans l’entourage de l’institution.

D’entrée de jeu, ce qu’il faut mentionner avant tout est que ce ne sont pas forcément les machinations meurtrières machiavéliques témoignant cette nouvelle liberté d’expression permettant des esquisses beaucoup moins contraintes à la censure qui retiennent le plus l’attention dans Suspiria. Il s’agit plutôt de la composition visuelle en ce qui a trait surtout aux décors incroyablement psychédéliques qui contribue à rendre plus que tout cet univers surnaturel des plus envoutants. Ces décors très théâtraux composés de couleurs flamboyantes, de textures hallucinantes et d’une architecture complètement tordue transforment ce film d’horreur en ce que l’on pourrait aisément qualifier d’un ahurissant opéra de la terreur. Mais si on considère par la suite l’aspect sadique et sanguinolent de l’œuvre, on se rend compte que la composition des éléments d’horreur en devient pratiquement orchestrale. En ce sens, une minutie se dévoile dans l’élaboration en soi des meurtres qui ne nous présente pas un tueur complètement déchainé détruisant malhabilement tout sur son passage comme c’est le cas dans la grande majorité des films d’horreur d’aujourd’hui, mais qui est au contraire assez méthodique dans sa barbarie et Argento utilise bien cette idée pour ajouter à la création du suspense entourant son film. Il s’agit par ailleurs d’un point qui est plutôt familier avec un opus beaucoup plus connu du genre, soit le film Halloween de John Carpenter, où le tueur incontrôlable Michael Myers arbore le même méthodisme dans la représentation de la mort que compose Carpenter par le biais de son personnage le plus célèbre.

En soi, l’effort technique de Dario Argento se veut tout aussi habile que le reste de l’aspect esthétique. Son jeu de caméra s’avère être des plus convainquant et efficace dans plusieurs scènes d’horreur clés du film où, à titre d’exemple, il réussit à littéralement emprisonner un personnage (qu’il interprète lui-même d’ailleurs) et du même coup le spectateur par une série de plans serrés rendant une immense place publique aussi étroite qu’une penderie. La composition visuelle de l’ensemble de l’essai est d’ailleurs assez inventive en son genre. D’autre part, l’aspect musical vient aussi jouer un rôle très significatif dans ce mélange où les compositions assez imposantes et excentriques dans cette mixture par le groupe The Goblins imagent bien l’aspect horrifiant du film de Dario Argento en arborant en même temps des influences rappelant fortement l’opéra et qui viennent donc soutenir de plus bel toute l’idée de la théâtralité de Suspiria.

Suspiria se dévoile donc comme une fresque fantastique ambitieuse marquant sa présence par le développement d’une démarche fort efficace sur des points tout aussi sadiques qu’artistiques. Argento pose sa signature sur un opéra meurtrier fort bien pensé et laisse à un genre une œuvre de marque. Dommage qu’un tel renouveau ne se soit pas reproduit depuis fort longtemps. Inutile de mentionner qu’il serait des plus favorablement accueillis.




Version française : Suspiria
Scénario : Dario Argento, Daria Nicolodi
Distribution : Jessica Harper, Stefania Casini, Flavio Bucci, Udo Kier
Durée : 98 minutes
Origine : Italie

Publiée le : 26 Juillet 2004