A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

SUNSET BOULEVARD (1950)
Billy Wilder

Par Frédéric Rochefort-Allie

Non loin de Hollywood Boulevard, du parc Griffith, triomphe les lettres qui forment le mot de l'illusion: Hollywood! Des dynasties et des empires de légendes du grand écran sont montées vers le firmament pour finalement s'écraser au dur mur du temps, les détruisant. Ça c'est la dure réalité du showbiz. «There's no business like showbusiness» comme nous le disait Annie Okley. Si cet El Dorado moderne fait rêver, pour certains acteurs le réveil est plus pénible que d'autres. C'est dans cet univers d'une nostalgie tragique que Billy Wilder nous présente son portrait de l'industrie.

Un jeune scénariste de série-b sans le sou, Joe Gillis (William Holden), sauve son automobile des huissiers en la planquant dans le garage d'une villa californienne délabrée. C'est alors qu'il fait la rencontre de Norma Desmond, une vielle actrice rongée par la destruction de sa carrière par l'arrivée du parlant, qui espère retourner au grand écran. Il devra donc l'aider à retourner sous les projecteurs.

Ce n'est pas tous les jours, et encore moins dans les années 50, qu'un film dénonce avec autant d'ardeur la situation du système hollywoodien. À l'époque, les films étaient extrêmement codifiés et le politically correct était quasi obligatoire. Bref, les scénaristes disposaient de bien moins de libertés que présentement. Avec Sunset Boulevard, Billy Wilder se permet d'amalgamer réalité et fiction pour créer un film semi-autobiographique. Chaque décors, ou presque, est méticuleusement choisi dans un désir d'authenticité à l'univers d'Hollywood. Par exemple, le bar où traine Joe Gillis le scénariste n'est d'autre que le même bar où de nombreuses vedettes de cinéma, dont Charles Chaplin, sortaient entre amis. Les accessoires sont tout aussi recherchés au niveau de leur signification. Même les personnages sont bâtis selon la distribution d'acteurs et leurs ressemblent terriblement.

Quels acteurs d'ailleurs! Impossible de reprocher quoi que ce soit à qui que ce soit car il s'agit d'un sombre autoportrait. Rarement aura-t-on vu distribution plus solide dans l'histoire du cinéma, chacun connait parfaitement son rôle. Toutefois, entre les caméos impressionnants de gens du milieu du cinéma et les autres acteurs tout aussi bons, on ne peut qu'être hantés par le jeu magistral de Gloria Swanson. Comme son rôle l'exige, l'actrice inonde l'écran de sa présence. À la fois terrifiante et pathétique, sa personnification du personnage Norma Desmond est sans égal. L'ancienne vedette du cinéma muet à réussi à trouver un rôle à sa mesure. Comme son personnage le dit: «Je suis une grande actrice, c'est les films qui sont devenus petits».

Billy Wilder, qui connut une fin de carrière plutôt étrange, signe ici sa plus grande oeuvre. Sunset Boulevard bénéficie d'une excellente réalisation, rappelant vaguement les thrillers d'Hitchcock au niveau formel. Les fans de David Lynch seront aussi ravis d'apercevoir que l'ambiance du film, dans ses moments les plus noirs, inspira le cinéaste. Les ressemblances avec Mulholland Dr. sont parfois frappantes. Le même sujet, des personnages familiers, bref une parenté qu'on ne saurait renier. Un souci innoui de l'image, tant dans le cadrage que la direction photo nous surprend chez Wilder. Est-ce bien le même qui réalisa Seven Year Itch? Étonnamment, oui. La réalisation dans ce film atteint des sommets glorieux, créant des scènes mémorables, historiques, qui nous hantent même longtemps après le visionnement. Du grand et du vrai bon cinéma.

Sunset Boulevard est d'une importance capitale et indéniable dans le domaine du cinéma. C'est aussi l'un des seuls bons films qui représente le domaine du cinéma tel qu'il est avec 8 1/2, Adaptation et The Player. Sunset Boulevard, avec une grande humilité, accepte son identité et dénonce son système. Un grand réalisateur, avec un grand message et un grand casting qu'est-ce que ça donne? Un des plus grands films de l'histoire du cinéma, rien de moins. À défaut de pouvoir détruire physiquement les lettres qui forme le mot Hollywood, il en tire le voile de son charme illusoire. Chapeau bas Monsieur Wilder, je m'incline.




Version française : Sunset Boulevard
Scénario : Charles Brackett, Billy Wilder
Distribution : William Holden, Gloria Swanson, Erich von Stroheim, Nancy Olson
Durée : 110 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 23 Septembre 2004