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SUMMER OF SAM (1999)
Spike Lee

Par Alexandre Fontaine Rousseau

"I think it is very important that films make people look at what they've forgotten."
- Spike Lee

Tout ça s'est déroulé par un été comme les autres, malgré la canicule démentielle et les performances époustouflantes de Reggie Jackson. L'été '77 à New York fût chaud bien au-delà de ce qu'indiquaient les thermomètres. Une panne d'électricité à grande échelle rendit Brooklyn hystérique durant toute une nuit. Au baseball, les Yankees remportèrent les World Series. Et, quelque part dans les rues de la Grosse pomme, un mystérieux meurtrier ajoutait une nouvelle victime à sa longue liste. Ce ne sont que des faits divers. Ils seront oubliés aussi vite qu'ils se sont déroulés. Mais ils ont un impact sur la vie des millions d'habitants de New York.

Avec Summer of Sam, Spike Lee quitte Brooklyn pour visiter le Bronx. Autre quartier, moeurs différentes. Ici, la communauté italo-américaine fait la loi et vibre au rythme du disco. Mais tout ne tourne pas rond dans le cul-de-sac au bord de l'eau. Les femmes teignent leurs cheveux blonds pour ne pas être la prochaine victime du fameux Son of Sam qui terrorise la population en abattant à coup de .44 les jeunes filles, en particulier les brunettes. Peu à peu, les hommes du quartier commencent à monter une liste de suspects. Systématiquement, ils cherchent l'intrus dans leur beau portrait culturellement homogène. Est-ce ce vieux vétéran du Vietnam un peu bizarre? Le Juif à qui personne ne parle est plutôt louche. Et que dire de cette tapette, là, qui n'aime de toute évidence pas les femmes? Et si c'était ce punk qui se donne un faux accent britannique pour se placer au-dessus de tout le monde...

S'il quitte le milieu afro-américain le temps d'un film, Spike Lee n'échange pas pour autant ses thématiques de prédilection. Il y a l'amitié, celle entre ceux que tout sépare comme celle qui unit les gens qui ont tout en commun. Mais, bien sûr, il y a surtout la xénophobie instinctive et viscérale. Celle-là même qui ronge le coeur de l'Amérique moyenne et bien pensante à longueur de journée, si du moins on se fie à Spike Lee. Avec Summer of Sam, le réalisateur américain se répète-t-il? "A man curses because he doesn't have the words to say what's on is mind", disait après tout l'un de ses personnages dans Malcolm X.

Il faut bien admettre que ça sacre à gauche et à droite dans Summer of Sam. Ça baise furieusement quand le sang ne se répand pas sur le béton sale de la métropole du royaume de l'Oncle Sam. Avec cette nouvelle chronique new-yorkaise, Lee ne lésine pas sur l'excès. Il en fait un mode de vie et une esthétique envahissante. Son film bourdonne d'une intensité constante et violente. Mais c'est cette énergie instable et enivrante qui pousse les gens confus à former des milices et les foules à se transformer en meutes. Summer of Sam est la chronique d'une folie collective, d'une crainte totale de la différence.

Pourtant, le film ne se complaît pas dans la laideur du genre humain. Ruby (Jennifer Esposito) et Richie (Adrien Brody, parfait dans son rôle) s'émancipent d'un univers rigide et conservateur en devenant des punks malgré le dégoût qu'exprime leur entourage. Ce dernier entretient une amitié improbable avec Vinny (John Leguizamo), un coiffeur marié incapable de rester fidèle à sa femme (Mira Sorvino). Dans ce climat où la masse l'emporte sur la raison, leur bonne entente est compromise par les préjugés.

Trop souvent sous-estimé et réduit par ses détracteurs à un enchaînement vulgaire de jurons et de scènes de fornication, Summer of Sam démontre avec une efficacité redoutable le fonctionnement des mécanismes de la haine. Dans un style vif et violent, Spike Lee redevient le conteur new-yorkais inspiré de Do The Right Thing. Mais cette fois, il a changé de milieu. Sans s'empêcher d'effleurer à nouveau la question afro-américaine, il prouve ici que son respect des cultures distinctes ne se limite pas à la sienne. C'est cette diversité qui rend sa ville bouillonnante. Avec Summer of Sam, il revient sur le passé dans l'espoir d'en tirer une leçon. Il déterre ce que certains voulaient oublier. Son geste choque. Mais s'il le fait, c'est pour mieux comprendre le présent.




Version française : L'Été de Sam
Scénario : Victor Colicchio, Michael Imperioli, Spike Lee
Distribution : John Leguizamo, Mira Sorvino, Jennifer Esposito, Adrien Brody
Durée : 142 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 7 Avril 2006