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STRANGER THAN FICTION (2006)
Marc Forster

Par Alexandre Fontaine Rousseau

« Indie. » Le terme a été utilisé à toutes les sauces imaginables au cours des dernières années, tant au cinéma qu'en musique, comme s'il s'agissait à la fois d'un gage d'authenticité et d'une griffe à la mode que l'on pouvait accoler à tout produit pour l'ennoblir un tant soit peu. Vidé de son sens initial, « indépendant », le mot n'est aujourd'hui plus qu'une coquille vide à imprimer sur des vêtements coûtant soixante dollars comme naguère le furent underground, punk et alternatif. Le cinéma américain dit « indie », bien qu'il ait souvent été financé et distribué par de gros conglomérats sanguinaires dont l'ambition première était d'exploiter un marché naissant, nous aura proposé quelques moments franchement mémorables: les oeuvres éclatées de Spike Jonze et de Michel Gondry, écrites par Charlie Kaufman, l'univers particulier de Wes Anderson ou même le fort sympathique I Heart Huckabees de David O. Russell. Tous ont en commun un goût prononcé pour les excentricités formelles et une certaine curiosité philosophique versant parfois vers le monde du mystique. En brouillant les limites entre fantaisie et réalité, ces films ont su capter l'attention d'un grand public tout de même enclin à une certaine intellectualisation de l'expérience cinématographique. Mais les auteurs ont fait école et le courant, d'abord artistique et personnel, a été absorbé pour devenir tendance de l'image industrielle.

Dans un contexte où l'offre est surabondante, l'insignifiance guette. Et, à défaut d'être autre chose, Marc Forster est un réalisateur parfaitement insignifiant: capable de prendre le plus inspirant des sujets pour le vider de sa substance, il recycle les thématiques du « grand » cinéma pour en proposer un condensé facilement digéré à oublier aussitôt consommé. Forster aurait sans doute pu orchestrer une banalité à partir du scénario de Chinatown, comme en témoigne son plus récent film Stranger Than Fiction qui transforme un synopsis de génie en commodité narrative somme toute anodine. Car bien qu'initialement cette histoire, celle d'un homme ordinaire découvrant que sa vie est dirigée par la plume d'une écrivaine, affiche un vaste potentiel, le traitement lourdaud qui nous en est proposé déçoit et banalise des préoccupations qui méritaient d'être approfondies. Les questions existentielles sont ici posées en quelques clichés racoleurs et les résolutions sont aussi simples que des additions. Une bonne fois pour toute, le malaise existentiel devient avec Stranger Than Fiction une marque de savon à lessive vendue à un public intelligent mais peu critique.

Si sa mise en situation affiche son lot de bonnes idées, tant visuelles que dramatiques, la majeure partie de Stranger Than Fiction s'apparente plus à un collage dont les morceaux sont pigés à même des oeuvres plus abouties telles que Being John Malkovich, Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou I Heart Huckabees; même le rôle au demeurant fort sympathique de Dustin Hoffman semble calqué sur celui qu'il tenait dans la comédie de Russell. Dans Stranger Than Fiction, les divers éléments de l'intrigue sont employés de manière purement décorative: pas question de traiter véritablement de littérature, une simple mention suffira. L'étalage de comportements contestataires est purement démonstratif et fondamentalement inoffensif. Dans l'univers que nous propose le scénariste Zach Helm, l'anarchisme et le matérialisme sont des prêt-à-porter idéologiques sans réelle portée intellectuelle. Tout y est trop homogène et organisé, voire sensé comme le souligne sans aucune nuance la finale parfaitement indigeste du film.

Bien que son film s'apparente de diverses façons au Truman Show de Peter Weir, le réalisateur de Finding Neverland et de Monster's Ball n'arrive jamais à se libérer du nombrilisme de ses préoccupations; il n'atteint par exemple jamais la portée presque prophétique du film de Weir car il évite soigneusement toute vision sociale, tout commentaire critique ou tout sujet d'actualité pour se borner à un individualisme étroit baignant dans le moralisme bon enfant. Tant et si bien que son film n'apparaît plus qu'un véhicule pour ses interprètes, dans l'ensemble forts convaincants, et plus particulièrement pour un Will Ferrell qui cherche ici, de toute évidence, à imiter le virage sérieux de Jim Carrey. Son jeu étonnant de retenue témoigne d'un bel effort; mais le film dans lequel son personnage somme toute simplet se perd s'avère pour sa part beaucoup trop dilué pour provoquer une quelconque réaction profonde chez le spectateur. En bout de ligne, celui-ci ne trouvera d'ailleurs que peu à tirer de cette petite fable sans profondeur à la symbolique plutôt grossière.




Version française : Plus étrange que fiction
Scénario : Zach Helm
Distribution : Will Ferrell, William Dick, Guy Massey, Martha Espinoza
Durée : 113 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 15 Mars 2007