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SMILEY FACE (2007)
Gregg Araki

Par Jean-François Vandeuren

Gregg Araki en avait surpris plus d’un en 2004 avec son excellent Mysterious Skin. Ce huitième long-métrage semblait finalement sonner la fin de la récréation pour un cinéaste qui tenta en vain de prendre le pouls de sa génération pendant plus de quinze ans. Même s’il garda cette même jeunesse un peu confuse au centre de ses préoccupations, Araki réussit à se débarrasser de certains de ses tics les plus irritants pour aborder sous un angle particulièrement inusité des sujets aussi délicats que la prostitution juvénile et la pédophilie. Alors que les efforts précédents d’Araki se nourrissaient bien souvent des pires stéréotypes rattachés à cette génération, la maturité soudainement acquise par le réalisateur nous donnait enfin l’impression d’avoir affaire à un cinéaste un peu plus sérieux qui avait trouvé le moyen de tourner ses propres limites artistiques à son avantage en substituant le souci de réalisme avec lequel est ordinairement traité ce genre de problématique par la création d’un univers onirique auquel se collaient parfaitement les textures de guitare « shoegazeuses » des formations Ride et Slowdive. Mais nous nous sommes peut-être réjouis trop vite, car Smiley Face marque un retour à la case départ pour le réalisateur, au grand damne des nombreux sceptiques qui avaient finalement été confondus avec Mysterious Skin. Araki renoue ainsi avec l’immaturité crasse ayant curieusement fait sa renommée auprès de la défunte « génération x » en orchestrant un spectacle tapageur s’inscrivant dans une longue lignée de comédies insignifiantes destinées à un public adolescent.

Araki délaisse donc ses thèmes de prédilection (la sexualité sous toutes ses formes et les triangles amoureux) pour plonger cette fois-ci dans l’univers de la drogue. Nous sommes ainsi invités à faire la connaissance de Jane (Anna Faris), une « pothead » irresponsable au sourire niet se trouvant la plupart du temps dans un état d’esprit semi-comateux. Ce personnage fut évidemment falsifié à outrance au cours des vingt dernières années par bon nombre des cinéastes peu futés ayant apposé leur signature sur ce genre de comédies risibles. Araki et le scénariste Dylan Haggerty pouvaient ainsi compter sur une banque de gags et de clichés éculés particulièrement bien remplie pour mener leur entreprise à terme sans qu’ils n’aient à se creuser la tête outre mesure ou à simplement faire preuve d’ingéniosité. Le présent effort se déroule à l’intérieur d’une seule journée au cours de laquelle Jane trimballera sa carcasse aux quatre coins de Los Angeles afin de mettre un peu d’ordre dans sa vie et de réparer les nombreux pots qu’elle cassa précédemment. Le problème est qu’en plus d’être sous l’influence de certaines substances illicites, une soudaine fringale poussera notre pauvre écervelée à engloutir la totalité des muffins de son colocataire, que ce dernier bourra judicieusement d’ingrédients hallucinogènes au moment de la cuisson. Il s’en suivra une course contre la montre au cours de laquelle notre chère Jane devra trouver le moyen de remplacer les muffins qu’elle vient tout juste de dévorer, de passer une audition d’actrice, de payer la facture d’électricité de son appartement, et de rembourser sa dette envers un vendeur de drogues se montrant de moins en moins patient à son égard.

Voir le nom de Gregg Araki être associé à une comédie aussi légère soulève évidemment plusieurs points d’interrogation. Mais le tout aurait pu facilement tourner en la faveur du cinéaste américain si ce dernier avait traité ce projet plutôt improbable avec la même vigueur que celle avec laquelle il réalisa son fameux Mysterious Skin. À l’opposée, la mise en scène fade et anonyme d’Araki est tenue en vie ici de peine et de misère par l’exubérance du jeu d’Anna Faris et les manigances peu aguichantes du scénario de Dylan Haggerty. Le scénariste tentera bien au départ de jouer la carte de l’absurde, mais sans avoir la vivacité d’esprit nécessaire pour en arriver à un résultat moindrement pertinent, voire simplement amusant. Haggerty se contente ainsi de garder sa protagoniste dans un état peu recommandable durant la totalité de son récit, poussant du coup la pauvre vedette de la série Scary Movie à interpréter de façon grossière un personnage insignifiant qui finira évidemment par nous tomber royalement sur les nerfs. Le duo nous laisse ainsi en plan avec un ramassis de gags juvéniles face auquel même ceux qui avaient été séduits par des oeuvres aussi raffinées que Dude, Where’s My Car? et Harold & Kumar Go to White Castle risquent d’y trouver difficilement leur compte. Les deux cinéastes ne feront d’ailleurs qu’empirer les choses en tentant de camoufler le manque criant d’originalité de leur première collaboration en insérant ici et là quelques effets de style sortis tout droit d’un film étudiant de piètre qualité et en pigeant de façon paresseuse dans le répertoire déjà surexploité de groupes électroniques tels The Chemical Brothers et Ladytron.

Il serait évidemment un peu ridicule de critiquer le film de Gregg Araki pour son manque total de finesse et d’intelligence. Le problème réside plutôt dans le fait que le duo ne fait en soi que recycler les idées les moins intéressantes des quelques rares cinéastes ayant su exceller dans le domaine de la comédie grasse pour arriver à ses fins. Haggerty semble également avoir oublié que la comédie est probablement le genre qui doit être pris le plus au sérieux, car ce qui est drôle en théorie l’est souvent moins sur papier et parfois pas du tout à l’écran. Smiley Face semble ainsi avoir été écrit en quatrième vitesse sur un coin de table par un étudiant passant le plus clair de son temps caché dans la cours de son école à fumer autre chose que des cigarettes. Ce manque de conviction est également observable sur le plan visuel alors qu’Araki signe une fois de plus une mise en scène on ne peut plus banale dépeignant de façon superficielle un récit tout aussi vide et abrutissant. Pour sa part, Anna Faris participe pour une énième fois à une production sans envergure et ne semble visiblement pas intéressée à être associée à autre chose que des comédies puériles devant satisfaire momentanément les spectateurs les moins exigeants. Dommage, car si la jeune actrice possède un talent comique indéniable, celui-ci n’est que trop rarement mis au service d’un projet réellement substantiel.




Version française : -
Scénario : Dylan Haggerty
Distribution : Anna Faris, Adam Brody, John Cho, Kai Cofer
Durée : 88 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 12 Novembre 2007