A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

SISTERS (2006)
Douglas Buck

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Pratiquant le cannibalisme comme ses pires monstres le font, le cinéma d'horreur s'est lancé au cours des dernières années dans une entreprise d'autodigestion de son propre héritage. Au-delà de cette manie d'offrir au grand public des calques peu imaginatifs de productions asiatiques, l'Amérique préconise aujourd'hui la relecture de ses propres mythes de l'horreur: l'invasion de nos écrans par ces versions à peine revues et corrigées de « classiques » parfois discutables tels que The Texas Chainsaw Massacre, The Omen et The Amityville Horror est symptomatique du marasme créatif d'un genre qui a toutes les peines du monde à se renouveler. Bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler d'un film d'horreur, le Sisters de Brian De Palma partage avec le genre en question bon nombre de ses sensibilités insolites et troublées. Mais entre les mains du jeune réalisateur américain Douglas Buck, l'ingénieux hommage à Hitchcock de De Palma est transformé en simple suspense mécanique à saveur d'horreur psychologique.

Sans être déplaisant, ce Sisters version 2006 n'ajoute rien à ce que proposait l'original en 1973 et délaisse de surcroît plusieurs de ses excentricités techniques les plus inspirées au profit d'une facture visuelle plutôt convenue. En fait, il s'avère plutôt difficile de saisir ce qui explique l'existence de ce remake: Buck semble vénérer le scénario original et n'y apporte que quelques modifications plutôt subtiles, délaissant quelques éléments de l'intrigue policière originale pour se consacrer sur les ingrédients plus fantastiques de sa prémisse. Le personnage de Danielle / Dominique, ici rebaptisé Angélique / Annabelle, est ainsi positionné au coeur du récit; le suspense en souffre sans pour autant que nous ne soyons témoin d'un quelconque approfondissement de son personnage.

Assez classique dans la forme, ce nouveau Sisters abandonne donc les ficelles qui alimentaient les tensions formidables du film original pour leur préférer une narration homogène et prévisible, propre au film d'horreur américain actuel. Les artifices du suspense que manipulait De Palma avec une malveillante ingéniosité sont ici réduits à l'état de simples clins d'oeil: le fameux gâteau de fête, par exemple, n'est plus qu'un détail morbide apte à provoquer chez le spectateur quelques rires faciles. L'efficacité rationnelle de la version de 73 a été remplacée par une recherche esthétique uniforme digne de la publicité. Nous n'avons plus affaire ici à une réalisation en tant que telle, mais plutôt à une suite d'effets de style banalement techniques. Le problème est symptomatique d'un certain cinéma d'horreur contemporain qui a abandonné l'exploration des peurs viscérales pour privilégier un travail de la forme approchant dangereusement le territoire tape-à-l'oeil du vidéoclip.

D'ailleurs, la relecture de Douglas Buck a pour principales qualités une trame sonore convenue mais évocatrice, en partie signée par le Montréalais David Kristian, ainsi que quelques trouvailles visuelles élaborées venant pimenter les séquences cauchemardesques qui ponctuent la seconde moitié du film. La distribution n'est pas mauvaise: Chloë Sevigny et Lou Doillon se tirent bien d'affaire dans leurs rôles respectifs, Stephen Rea habite du mieux qu'il le peut un personnage mal développé et William B. Davis - l'homme à la cigarette de The X-Files - impose une atmosphère à l'ensemble par sa simple présence. Malheureusement, ce n'est pas assez pour justifier l'existence de ce film qui n'a ni l'élégante retenue d'un Lucky McKee - réalisateur auquel Buck s'apparente dans ses instants les plus inspirés - ni la diabolique efficacité de l'original de De Palma.

Par conséquent, l'écoute de cette nouvelle version est à réserver aux mordus de l'ancienne ainsi qu'à quelques amateurs d'horreur relativement peu exigeants qui prendront sans doute un certain plaisir à se farcir cette petite production sans faille majeure par ailleurs dépourvue de toute pertinence réelle. Certes, il se fait bien pire en ce bas-monde. Mais ceux que l'insignifiance irrite sont priés de chercher ailleurs car, une fois de plus, l'originalité semble être la moindre des préoccupations d'un film de genre. On pourrait parler dans le cas présent d'une déception, mais pouvait-on vraiment s'attendre à ce qu'un réalisateur sans expérience batte le maître De Palma à son propre jeu?




Version française : -
Scénario : Douglas Buck, John Freitas
Distribution : Lou Doillon, Stephen Rea, Chloë Sevigny, William B. Davis
Durée : 90 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 30 Octobre 2006