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ROBOCOP (1987)
Paul Verhoeven

Par Jean-François Vandeuren

La plupart ne s’intéressent ordinairement à un tel film qu’au premier degré où il est pratiquement condamné à errer sur les tablettes des clubs vidéos à attendre qu’une bande de jeunes adultes un peu nostalgiques le louent pour se remémorer d’une façon plutôt cocasse l’abondante violence caractérisant ce film culte de leur jeunesse. Pourtant, sous une étiquette très sanglante se laisse découvrir un film de science-fiction d’autant plus violent dans son approche du mode de vie à l’occidental. De la même manière que son réalisateur (Paul Verhoeven) avait joué d’une certaine finesse avec sa fable sur le nazisme transposée dans une guerre intergalactique dans Starship Troopers, il expose dans Robocop une critique sournoise en ce qui a trait à l’autorité, les médias et la stupidité humaine.

Cet étalage d’éclaboussures de sang et de fusillades à n’en plus finir débute lorsqu’une équipe de chercheurs utilise le cadavre d’un policier assassiné en service pour le métamorphoser en un robot policier pouvant servir la loi et l’ordre en tout temps dans un futur chaotique où le crime et la corruption commencent à prendre le dessus sur les autorités.

Bien évidemment, le film ne vient pas complètement révolutionner les bases primaires du genre au point de vue de son scénario, mais il sait tout de même les manipuler de façon assez percutante. Cependant, tout le génie de Robocop se situe dans les thématiques qu’il aborde d’une manière très crue, mais rusée. Verhoeven réussit en deux temps à rendre sa critique subtile tout en l’imposant de plein fouet à son auditoire. Dans un premier temps, le film s’attaque aux médias alors qu’une bonne place est accordée à la diffusion de bulletins de nouvelles télévisés à la sauce Entertainment Tonight. Les deux animateurs nous présentent les nouvelles du jour sur divers conflits étrangers et meurtres sordides de policiers en prenant bien soin de toujours avoir le sourire aux lèvres. On a pris soin dans un deuxième temps d’y ajouter quelques commerciaux assez douteux annonçant par exemple un coeur électronique de marque Toshiba, Sony, etc. ou un jeu de type Bataille navale où une famille se livre amicalement une guerre nucléaire dans le confort de son salon. Par ailleurs, un sitcom de l’époque fut tout aussi bien inséré à répétition pour venir appuyer l’idée de la masse se plaisant dans l’imbécillité des divertissements faciles et insipides à rire aux éclats pour le même gag se répétant à perpétuité.

On nous propose également une agile observation sur la désensibilisation face à la violence par le biais de visages passifs et dialogues assez neutres faisant suite dans quelques cas à des actions et meurtres d’une violence incroyable. Une idée qui vient à quelque part justifier la violence excessive de l’essai, favorisant ainsi l’autocritique. D’autre part, le sort des travailleurs occupe également une place de choix dans le discours du film de Verhoeven où sont soulevées des questions assez importantes en ce qui a trait aux services essentiels en situation de grève, au contrôle de ceux-ci par des multinationales et au remplacement de la main d'oeuvre humaine par des machines pouvant opérer efficacement sur de plus longues périodes de temps.

Dans un autre ordre d’idées, plusieurs éléments sont également associables à l’un des plus importants films de l’histoire de la science-fiction, soit le Metropolis de Fritz Lang. Les évidences par rapport à cette ressemblance apparaissent à la base dans la présentation de la construction de la méga cité où l’on pourrait considérer la ville de Détroit dans Robocop comme étant l’avant Metropolis où du côté de l’élite les infrastructures futuristes massives et la technologie fortement développée prennent place aux abords des quartiers pauvres de la ville voués à être remplacés par ce changement radical dans le but d’accueillir les quelques millions de travailleurs dans le nouveau siège social de la richesse et de la décadence. C’est surtout sur ce plan que sont d’ailleurs introduites les grandes lignes de la dénonciation du contrôle de la masse par les grandes entreprises. Une autre comparaison inévitable se situe dans la ressemblance esthétique entre les deux machines arborant en même temps une polémique similaire concernant l’humanisme de leurs actions, dans deux perspectives totalement opposée par contre.

Aussi, sur une note plus technique, ce film risque d’en surprendre plus d’un. Si Verhoeven n’a sûrement pas réussi à se bâtir une grande ligné de fans par ses derniers opus plutôt désolants, on doit néanmoins lui accorder quelques louanges bien méritées pour son travail sur Robocop. Certaines prouesses de la part du réalisateur donnent à ce film une bonne dose de finesse au niveau de la composition visuelle. Beaucoup de points sont fort bien articulés en ce sens. Par exemple, la transition entre le personnage de Murphy à l’état robotique de ce dernier demeure un moment classique du film où Verhoeven n’utilise que la perspective de la machine pour en démontrer le développement. Le reste du récit continue également à se baser sur diverses transitions vers la première personne, constituant un ajout de marque. Au niveau des effets spéciaux, étant un film de science-fiction il faut bien en parler un peu, ce qui est étrange est que malgré l’époque, ils ne semblent aucunement dépassés. L’utilisation de la technique d’animation stop motion apporte même un aspect plus saccadé et effrayant à la façon dont les machines se comportent. Cela peut paraître un peu bizarre, mais la manière dont cette technique est employée dans le cas présent semble de très loin plus appropriée et efficace que l’utilisation du CGI. Le son également se veut être une belle réussite, surtout en ce qui concerne la conception des divers bruits mécaniques accompagnant la gestuelle des machines.

Bref, pour un film provoquant plus souvent qu’autrement un sourire de dédain à la simple prononciation de son titre, Robocop, en plus d’être une icône culte ultra violente du cinéma d’action et de science-fiction des années 80, s’avère être une oeuvre qui a énormément à offrir entre les lignes. Un film de série B jouant de finesse par sa critique percutante de l’état du monde occidental qui se laisse appréhender lorsqu’un regard un peu plus attentif y est posé. Preuve qu’il ne faut pas toujours se fier aux apparences.




Version française : Robocop
Scénario : Michael Miner, Edward Neumeier
Distribution : Peter Weller, Nancy Allen, Ronny Cox, Kurtwood Smith
Durée : 103 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 4 Décembre 2003