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RADIO DAYS (1987)
Woody Allen

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Après la populaire période des "early funny ones" et la fin des années 70 où il réinventera la comédie romantique, Woody Allen entame durant les années 80 un nouveau cycle créatif. Cette période, l'ère Mia Farrow diront certains, en est une de recherche pour Allen. À l'instar du cinéaste en crise qu'il interprète dans le sous-estimé Stardust Memories, l'humoriste semble être tenté par l'honorable gravité du drame. Parallèlement à des essais se voulant plus sérieux, il continue certes à produire des oeuvres comiques plus populistes. Mais même ce pan plus léger de sa prolifique filmographie est traversé par une sensation commune: les années 80, pour Woody Allen, seront celles de la nostalgie. C'est un peu comme si les souvenirs d'enfances qui traversaient Annie Hall avaient pris au fil des années le dessus sur le reste de la trame narrative.

Placé aux côtés de son hommage à l'âge d'or hollywoodien The Purple Rose of Cairo, l'excellent Radio Days prend l'apparence d'une concrétisation esthétique et idéologique. S'il se dégageait de Zelig une profonde affection pour les années 20 et 30, Radio Days se consacre totalement au passé, l'enveloppant d'un nuage orangé pour poser un regard doux-amer sur l'enfance à l'ère de la radio. En ce sens, il s'agit de l'aboutissement ultime de la période nostalgique de l'auteur américain.

Est-ce une continuation naturelle de l'éternelle psychanalyse qu'Allen mène à l'écran de revisiter le passé ainsi? Peut-être que oui, peut-être que non. Ce qu'on ne peut toutefois pas mettre en doute, c'est qu'Allen avait atteint à ce point de sa carrière une vitesse de croisière remarquable. À défaut de répéter l'exploit de Manhattan coup sur coup, le réalisateur pondait à presque chaque année une réussite indéniable qui cimentait sa réputation fort enviable.

À partir d'anecdotes diverses, Allen brosse sur le mode de la chronique un portrait à la fois clair et embrouillé d'une époque révolue. Tout comme il le faisait dans Zelig, Allen s'amuse ici à raconter l'Amérique entière par le biais d'individus sans importance: le catastrophique War of the Worlds radiodiffusé de Welles sème la confusion lors d'un rendez-vous amoureux anodin tandis que l'attaque de Pearl Harbor vient chambouler momentanément la carrière d'une futur star de la radio. Les destins s'entrecroisent au montage sans nécessairement se croiser dans le monde réel. Mais tout comme dans The Purple Rose of Cairo, où un personnage de film s'extirpait de l'écran pour aller charmer une spectatrice, la vie réelle et le monde de rêve que symbolise la radio sont intimement liés.

Chaleureusement, Radio Days affirme que les médias de masses marquent nos vies de manière indélébile. C'est un discours de cinéphile qu'Allen applique à l'univers des ondes AM puis FM. En ce sens, ceux qui comme moi n'ont pas vécu avant l'avènement de l'image pourront transposer ces souvenirs à leurs expériences avec le septième art ou la télévision.

Heureusement, le film d'Allen exalte une réelle humanité et sa vision du passé ne se limite pas à la simple relation entre l'homme et la radio. Les relations familiales sont étudiées avec un humour à la fois tendre et aiguisé, alors que l'ensemble du film présente de manière inspirée une traditionnelle histoire d'éveil entre l'enfance et l'adolescence. Sa naïveté sensible n'empêche pas l'intrusion régulière d'un humour informé et mature.

C'est peut-être pour cette raison que l'on revient constamment à Radio Days malgré son insignifiance relative dans la filmographie d'Allen. Évitant la mélancolie facile, ce morceau de mémoire charmant et franchement drôle s'avère une collection de souvenirs sublime, à laquelle il est facile de s'identifier. Nos errances personnelles dans l'univers de l'enfance ont tendance à emprunter un ton similaire à celui qu'exploite Allen dans Radio Days. Il ne s'agit pas du film le plus original d'Allen, mais il est fort difficile de ne pas l'aimer...




Version française : Radio Days
Scénario : Woody Allen
Distribution : Mike Starr, Paul Herman, Don Pardo, Martin Rosenblatt
Durée : 85 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 13 Décembre 2005