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PINOCHET ET SES TROIS GÉNÉRAUX (2004)
Jose Maria Berzosa

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Pinochet et ses trois généraux débute avec une entrevue, au cours de laquelle un évêque vante les mérites du général Pinochet, probablement bien content de voir le bon général purifier le Chili de la vermine socialiste, élue démocratiquement, avec des méthodes aussi drastiques. Pourtant, ce moment d'une grande ironie où le dictateur est accueilli avec enthousiasme comme étant «un bon chrétien», selon les dires du clergé, n'est qu'un avant-gout de ce qu'offre l'excellent documentaire de Jose Maria Berzosa: le procès du régime de Pinochet, plus ou moins livré par les membres mêmes de la junte. C'est par les flagrantes contradictions de leur discours, le manque cruel de logique de certaines de leurs déclarations et quelques mensonges d'une évidence impardonnable que le film, tourné entre 1976 et 1977, dresse un portrait critique aussi efficace et fascinant de ce régime.

Certes, une connaissance préalable des évènements ayant menés au coup d'État du 11 septembre 1973 est nécessaire à une compréhension solide du film, car celui-ci n'offre qu'une mise en situation plutôt mince. Pinochet et ses trois généraux s'adresse donc d'abord et avant tout à un public intéressé à raffiner sa perception des évènements. Par ailleurs, le simple fait de voir des documents audiovisuels d'une telle importance historique et des personnages si imposants dans une telle intimité est en soi une chance formidable. Car c'est souvent dans le confort de leur résidence, aux côtés de leur épouse respectives, que l'amiral Merino, le général Leigh, le général Mendoza ainsi que Pinochet lui-même parlent de littérature, de musique, de politique et même de la définition du bonheur, sur un ton la plupart du temps carrément détendu. Éloges de Franco et de la démocratie américaine ne sont que quelques-uns des propos au menu.

Ce qui ne veut pas pour autant dire que le volume n'augmente pas de plusieurs décibels à quelques reprises. Il faut voir Merino s'enflammer au sujet du communisme, ou Pinochet s'attaquer à la démocratie chrétienne pour ensuite déclarer qu'il n'aime pas parler de partis politiques, mais surtout entendre les déclarations carrément farfelues des divers membres du quatuor tout au long de ces entrevues. Au sujet des droits de l'homme, Leigh, chef de l'aviation chilienne, déclare que s'ils étaient bafoués ne serait-ce qu'une fois dans son pays, il démissionnerait de son poste sur le champ. Mais il faut surtout applaudir le montage remarquable du film, à la fois d'une logique implacable et d'une simplicité redoutable. Alors que la junte parle du bonheur comme d'une affaire de famille, les témoignages d'épouses éplorées s'enchainent pour rappeler les milliers de disparitions inexpliquées au coeur de la communauté intellectuelle de gauche du pays: anciens militants communistes, professeurs d'université, etc... Pourtant, le régime se dit clément face aux universités... «tant et aussi longtemps qu'elles ne deviendront pas le foyer de nouvelles idées»...

De plus, la progression du film est remarquable. Le voyage de Pinochet en Antarctique offert en guise d'introduction aurait pu être écourté de quelques minutes mais le coeur du film, ces fameuses entrevues, s'enchaine merveilleusement bien. Mise en garde d'une grande force contre les dangers d'un nationalisme aveugle et de la dictature autoritaire, ce document historique d'une valeur inestimable passionnera les férus d'histoire et de politique. Et même si le film ne contient aucune référence à l'implication américaine dans la chute du régime de Salvador Allende, Pinochet et ses trois généraux demeure un rappel inévitable de la remarquable tradition de qualité de la politique étrangère américaine, qui n'en a pas fini de faire des ravages.




Version française : -
Scénario : -
Distribution : -
Durée : 101 minutes
Origine : France

Publiée le : 8 Octobre 2004