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PINK FLOYD THE WALL (1982)
Alan Parker

Par Jean-François Vandeuren

Encore aujourd’hui, il n’existe probablement pas de meilleur témoignage du génie pouvant résulter de la rencontre entre la musique et le septième art que l’adaptation cinématographique du grandiose album The Wall de Pink Floyd. Film qui ne fut pourtant pas des plus facile à terminer compte tenu des escarmouches qui prirent place pendant le tournage entre les esprits plutôt forts de Roger Waters et du réalisateur Alan Parker, lequel laissa tomber le projet à plus d’une reprise pendant cette période, ne comprenant pas l’obstination de Waters à vouloir faire de The Wall un film culte. Et pourtant, voilà précisément ce qu’il devint, et demeure toujours une œuvre provocatrice en ayant beaucoup à nous apprendre sur nous-même et les contraintes auxquels on tente trop souvent de nous exposer.

Le film d’Alan Parker parvient donc à reprendre la valeur symbolique de l’œuvre de Pink Floyd en voguant de manière percutante, quoique chaotique, sur les divers thèmes d’aliénation et de réclusion psychologique auxquels l’effort musical faisait allusion. Nous sommes donc invités malgré nous à entrer dans la tête de Pink, une jeune rock star s'étant barricadée dans sa chambre d’hôtel à Los Angeles au cours d’une tournée. Ce dernier commencera à s’ensevelir dans un fouillis cérébral effaçant peu à peu la réalité, où chaque souvenir, chaque cauchemar et figures ayant été d’une quelconque façon synonyme d’oppression et de réconfort deviendront des briques s’empilant les unes sur les autres, bâtissant lentement mais surement un mur le séparant de ses émotions et même de ses valeurs.

Le rôle que peut jouer la musique dans ce genre de situation étant extraordinairement exprimé par les paroles de Pink Floyd, celles-ci viennent également servir de dialogues au film, le personnage interprété par Bob Geldof ne récitant qu’une seule phrase ne provenant pas d’une chanson. Ce récit esquisse en soi une chute drastique basée sur un sentiment d’incompréhension éprouvé par Pink à divers stades de sa vie, se manifestant périodiquement par le biais de sa mère, son professeur, son épouse et sa carrière. Impression également laissé par la perte prématurée d’une figure de guide, représenté ici par la mort de son père durant la deuxième grande guerre. De ces souvenirs jaillissant du passé suivra un revirement à 180 degrés alors que dans sa vision des choses, Pink n’aura plus d’autre choix que de transgresser certaines règles morales. S’amorce alors une descente abrupte et malsaine à mesure que s’achève sa barricade mentale. C’est de cette manière qu'il se forgera une image de lui-même franchissant un point de non-retour formé par la haine et la colère contre les éléments extérieurs. The Wall entre alors dans la mise en scène de l'éclosion des fantasmes fascistes de Pink, tissant bien un parallèle avec l’état de figure presque divine que l’on tend à conférer aux célébrités, rejetant désormais tout ce qui n’est pas lui jusqu’à un point où il s’imagine à la tête de grandes assemblés aux allures nazis où y règnent l’intolérance. Une montée dramatique expliquant l’importance cruciale de la scène du jugement, dévoilant plus musicalement qu'autrement ses fautes et ses craintes ayant réellement menées à son isolement. Encore là, s'agit-il d'un retour à l'équilibre? De la même manière que ce terminait le Fight Club de David Fincher, le film de Parker semble se conclure sur une scène dévoilée qu'à moitié, mais suggérant fortement par son symbolisme la suite des évènements.

The Wall prend également forme autour d’un génie technique et créateur plutôt inusité en son genre. On ne peut au départ rien redire à propos de l’œuvre musicale de Pink Floyd tiré, évidemment, de l’album du même nom, et de The Final Cut, qui devait être à un certain moment une trame sonore complémentaire pour le film d’Alan Parker. Ce dernier signe une réalisation impressionnante, usant d’un flair visuel parfois horrifiant par sa justesse, révélant également ses forces par le biais d’un montage superbement rythmé, autant d’un point de vue musical que cinématographique. En somme, l’effort en un tout constitue d’une certaine manière une rencontre artistique unique, fracassant le cinéma et la musique à la littérature et au dessin.

Le film fait évidemment part de certaines connotations un peu plus personnelle pour Waters que l’on sentait déjà sur l’album. Il faut dire que le personnage de Pink est en partie basé sur l’ex-membre fondateur du groupe, Syd Barrett, dont quelques scènes du film furent inspirées de comportements de ce dernier dont Waters fut témoin. Un délire qui réussit à se renouveler de lui-même au fil des écoutes, amenant de nouveaux éléments à une interprétation aux possibilités déjà multiples. Parker et Waters nous livrent une œuvre culte intemporelle qui n’a pas fini d’accumuler des fans. The Wall se veut l’une des mises en image exprimant le plus adéquatement la tempête insensée pouvant surgir d’un esprit humain, rendant du même coup un hommage vibrant à la musique venant nous secourir lors de ces périodes intérieurement mouvementées.




Version française : -
Scénario : Roger Waters
Distribution : Bob Geldof, Christine Hargreaves, Eleanor David, Bob Hoskins
Durée : 95 minutes
Origine : Angleterre

Publiée le : 15 Février 2005